À 26 ans, non seulement on n’est plus jeune, mais on est censé être devenu riche. On n’a plus droit aux réductions au théâtre, au ciné, dans les transports – même si on est encore étudiant – ni à la banque. Ah, la banque ! Pour elle je suis maintenant jeune active. Active je le suis, mais je ne pense pas qu’on soit d’accord sur la définition, au moins, je suis encore jeune et pas déjà senior. Du coup, j’ai une autorisation de découvert de 500 € au lieu de 300, chouette ! Je peux encore plus m’endetter !
À 26 ans, on n’est plus à l’aube de sa vie, mais au matin. On peut déjà se retourner et faire un bilan de ce début de matinée écoulé : au fond, qu’est-ce que j’ai fait pendant ces 26 ans ? Pas grand-chose. Est-ce que, au moins, j’ai fait les bons choix ? Pas sûr.
Avoir 26 ans, c’est aussi – pour une femme en tout cas – commencer à être tiraillée entre ses projets, notamment professionnels, et son horloge biologique ou ses envie de vie normale. À cet âge-là ma mère m’avait déjà depuis deux ans. Si j’avais un enfant maintenant, il aurait quatorze ans quand j’en aurais quarante, ma mère serait grand-mère à cinquante ans, et il ferait la joie de ses arrière-mamies.
À 26 ans, on doit être installé, avoir un vrai boulot, stable, en CDI, un mec, stable aussi, faire des projets de famille et de maison comme dans la pub : Léa et Mathieu, 45 ans à eux deux, veulent un nid bien à eux. On n’est pas censé faire des fausses photocopies de carte d’étudiant pour trouver un appart.
D’ailleurs, quand on a 26 ans, la plupart de ses potes sont maquées, certaines sont même mariées. Les ventres s’arrondissent et voilà les premiers bébés. Jouer la baby-sitter, c’est sympa, mais des fois, ça fout les boules. C’est comme de se regarder dans un miroir magique qui dirait : voilà comment tu aurais pu être. Et là-dessus, on se couche, seule, dans son grand lit, certes douillet...
Pas toujours facile de ne pas être dans les normes. Dans les moments de doutes, on se prend à idéaliser la vie des autres qui doivent certainement en faire autant avec la nôtre. Pas facile non plus, la vie à deux plus un.
On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. [1]
Et avec dix ans de plus ? On a déjà fait pas mal de choix, on ne peut plus vraiment retourner en arrière, et puis il en reste encore un paquet qu’on ne parvient pas à faire. Établir des priorités dans ses rêves : ceux qui resteront à l’état de fantasmes, ceux qu’on aurait pu tenter si on avait eu le temps, ou si on l’avait pris, mais pour lesquels il va bientôt être trop tard, et ceux qui sont vraiment accessibles à condition de persévérer.
Elle avait dix-sept ans
Elle prenait la vie comme un livre qu’elle commençait par la fin
Ne voulait surtout pas choisir pour ne jamais renoncer à rien [2]
D’après un psychotest de Facebook, mon âge réel c’est 18 ans. Je ne sais pas trop ce qu’il faut en penser. À 18 ans, on est jeune, on a la permission d’être fou, de ne pas savoir ce qu’on veut, ou de tout vouloir. On peut faire la fête plus que de raison. Mais à 18 ans, on est encore bébé, on a la fraîcheur de l’insouciance et de l’immaturité. Des choses qu’on ne saurait accepter d’une personne de 26 ans.
Finalement, la vraie question n’est pas de savoir si on rejoindra un jour le rang – même si on parvient parfois à rester un peu à côté, on s’en rapproche quand même – mais si ce sera par la réussite ou la résignation, lassée de se battre.
On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans.
Et on ne devrait jamais le devenir.
[1] Poème d’Arthur Rimbaud, Poésies, 1871.
[2] Elle avait dix-sept ans, Jean-Jacques Goldman, Rouge, 1993