Le jeune singe s’avance le premier. Il est le plus petit de tous… Quand je le remarque, du regard, il me demande l’autorisation de toucher le nœud de ma chaussure. Je dis oui, je lui parle et il me tend l’autre main. Elle est humaine et minuscule. Il s’accroche à mon poignet avec une force qui le dépasse. Il demande. Il est stressé… C’est la faim.
Je n’ai rien, rien pour toi. Je lui parle à la façon des humains. Il connaît. Ces milliers à se déplacer dans les ruines de sa civilisation et à prendre des photos avant de repartir sans l’avoir salué. Il me fixe de ses yeux entre le vert et l’or et me parle aussi, maintenant. Moins affamé. Il prend le temps…
Alors le moment devient unique, le bruit cesse et chacun de nous oublie l’agitation et la foule dans sa tourmente permanente tandis qu’on communique. L’univers circule de sa main à la mienne, les problèmes de langues sont abolis, nous touchons au but.
Mais sans qu’on sache comment ou pourquoi, l’eau à nouveau se ride et la foule et le bruit reviennent sur nous, violemment.
Le jeune babouin de Lopburi a faim, il lâche vite ma main pour chercher sa nourriture.
Avant de m’éloigner, je lui caresse le dos et, tandis qu’il arrache l’herbe du parc et l’avale, je rejoins ceux qui m’attendent, plus loin.
L’enfant-singe des rues, le jeune babouin de l’ancienne civilisation me manque quand la voiture quitte les ruines puis la ville, traverse des rizières, les champs de maïs, de tournesols, puis d’autres cités mais… jamais plus l’univers du plus jeune des babouins.
He was my friend.