samedi 15 mars 2014, par Mireille Disdero
Il faut apprendre la chaleur, au cœur du Viêt-Nam, en été.
Le skaï du taxi colle à la peau depuis que la clim ne fonctionne plus. Bouddha format de poche danse au bout d’un cordon, accroché au rétroviseur de la voiture. Et chacun fait avec, des rêves assoiffés d’iceberg dans le regard. Toujours, Hanoï et sa montagne de Jade gardent la tortue apportant paix, bonheur, réalisation des souhaits les plus fous… Mais seuls les sages la distinguent, dans les algues mouvantes du lac Hoan Kiem.
Le jour et la nuit, les scooters italiens envahissent la chaussée, comme autant d’oiseaux furieux grondant au feu rouge. Mais quel feu ? Un mirage. Et pendant qu’on quitte la ville, les yeux collés à l’apparition magique du fleuve rouge, tout là-bas, on cherche à retenir la cité entre nos mains. On espère ses vélos couverts de sacs de riz ou de fleurs de lotus, à vendre sur un bord de trottoir. On attend ses marchands de tout, le chapeau sur les yeux demi-lune. Son agitation, ses cafés, la couleur de peau du soleil, dans les rizières des rues.
Il faut apprendre la chaleur, l’accepter, la boire et s’en faire un tissu de saveurs sur le corps. Apprendre à se vautrer dans la délicatesse puis contempler ce qui traverse le beau visage du chauffeur, dans la moiteur. Une goutte de transpiration, à peine, semblable à la nôtre, frères humains, et ses mains agrippées au volant comme des clés pour passer le seuil. On peut dès lors entrer ici, tracer une histoire à l’encre transparente sur le bois, l’eau, le vent, la lumière et le feu intérieur.
Mireille. Hanoï 2013, l’été.