jeudi 18 juin 2009, par Flô Bouilloux
Un matin après le câlin.
Bah, il est où ?
La flemme.
Quoi ?
Ben, le préservatif !
J’ouvre les yeux en sursaut et me redresse.
Comment ça ?
Merde, merde, merde ! Il est plus là !
Il examine, cherche, retourne. Il a beau faire, pas de préservatif.
Son regard effrayé croise le mien.
Je n’ose comprendre.
Non ?! Comment c’est possible ?
Il se penche, il observe.
Essaye de l’attraper !
J’hésite, consulte les alternatives : comment ça, y’en a aucune ?
Euh... Ok... Attends.
Je respire. Quand faut y aller, faut y aller. Je me lance. Je plonge, je tâtonne, je farfouille.
Il me semble sentir un truc mais impossible de l’atteindre.
Je crois que je le sens.
Tu peux l’attraper ?
Ben... Pas vraiment non. Je suis même pas sûre que ce soit bien ça.
Quand même, un corps étranger ça doit se sentir.
Regard noir.
Oui, ben c’est tout gluant là-dedans je te signale !
On se croirait dans Fort Boyard à l’épreuve des amphores où il faut plonger la main dans des trucs plus dégueux les uns que les autres pour trouver la clef : “ Sors ! Sors ! Vite ! Sors ! ”. On est là, on stresse, on se contorsionne, on fouille, on fait tout ce qu’on peut, mais non, la clef est introuvable, rien à faire.
Tu veux que j’essaye ?
Je le regarde, réfléchis une demi-seconde et reprends un semblant de calme.
Non, c’est bon... ça va aller...
T’es sûre ?
Ouais ! Pff ! Il va bien finir par descendre !
En réalité, je vois déjà le périple à accomplir dans l’hypothèse inverse : l’obtention d’un rendez-vous, l’excuse pour mon patron, puis l’explication, la table, les instruments... ça me saoule d’avance. Tout ça avait pourtant si bien commencé !
C’est pas tout ça, mais il va être en retard au boulot si ça continue. Je le laisse partir.
La porte à peine claquée, je retourne dans la chambre et décide de chercher dans le lit : si ça se trouve il a sauté tout simplement ! Ce serait trop beau... Bien que techniquement très peu probable... Je me raccroche tout de même à cette hypothèse.
C’est pas possible, je ne l’ai quand même pas bouffé !
Jusqu’au moment où, le lit sens dessus-dessous, je dois bien me résigner.
Mais comment faire sortir ce truc ?
Comme les bébés, en poussant ? Pas très efficace.
Et si je saute ? Avec la gravité, il devrait bien descendre ! Hé ben non. J’ai beau sauter dans tous les sens, d’une chaise, du canapé, d’une table, ça ne change rien.
Comme par hasard, je dois passer l’après-midi avec une pote maman et son fils d’un an et demi. Et là un doute me prend : le truc s’est-il barré avant ou après ?
J’observe le mini-pouce en face de moi : il secoue sa voiture dans tous les sens au lieu de la faire rouler.
Ça fait un bail qu’on s’est pas vues dis-donc !
J’acquiesce. Bah oui, forcément, ça fait un an et demi que tu sors plus...
Il est vraiment en avance pour son âge, tu sais. Il a marché à neuf mois, tu te rends compte !
Sourire admiratif. Neuf mois ?! Non, là, tu vois, je dois pas trop me rendre compte parce que ça me paraît pas si sorcier de marcher...
Bon pour le langage, évidemment, faut attendre encore quelques mois, mais il arrive déjà à se faire comprendre ! Par exemple, quand il voit un chat, il dit : “ yaya ”.
Waou ! Impressionnant ! En attendant la conversation est forcément un peu limitée...
Que se passe-t-il dans mon ventre en ce moment ? Ne me dis pas que t’es en train de fabriquer un rejeton pareil ?! Ah non, hein ! C’est pas le moment ! Et pis, quand bien même, j’aurais jamais la patience ! Non, moi, mon gosse, faudra que le premier jour il sache marcher, que le deuxième il parle (c’est quand même plus pratique !) et que le troisième il puisse surfer sur internet tout seul ! Je vais quand même pas être tout le temps derrière lui, faut qu’il soit capable de se driver ! J’ai une vie moi aussi, merde !
Non, décidément, cela n’est pas du tout envisageable...
Une seule solution : la pilule du lendemain. Tin tin tin !
Je ne sais pas pourquoi mais ça me fait peur...
Enfin si, en fait, je sais pourquoi...
Parce que j’imagine déjà la pharmacienne me lancer un regard du genre : “ Encore une Marie-couche-toi-là ! Et même pas capable de faire attention avec ça ! Ha je vous jure ! ”. Et puis aussi parce que, vu la dose d’hormones qu’on se tape tout d’un coup, il doit sûrement y avoir de gros effets secondaires ! Un moment super agréable à passer...
Je tourne et retourne l’idée dans ma tête toute l’après-midi entre deux tentatives d’extraction. Finalement, je décide de prendre mon courage à deux doigts et de foncer à la pharmacie en sortant de chez ma pote.
Coup de bol, y’a personne. Je m’avance d’un pas peu sûr vers le comptoir.
Et si je demandais juste du paracetamol à la place ? Non ! Là t’as pas le choix, il faut y aller !
Le vieux pharmacien me voit et s’approche. Je ne peux plus reculer.
Euh... Est-ce que vous auriez... une pilule du lendemain... par hasard ?
“ Par hasard ? ” N’importe quoi ! Ils l’ont forcément ! Ils sont obligés !
Bien sûr, me répond-il très professionnel, sans même une lueur d’étonnement ni de reproche dans le regard.
Et il va m’en chercher un exemplaire, un générique même pas trop cher, mais un peu quand même...
À peine rentrée, j’ouvre la boîte et parcoure la notice : “ Dans quel cas utiliser ce médicament ? Oubli ou rupture d’un préservatif, retard de la prise du comprimé contraceptif habituel... (gnigningnin) Y’a pas mon cas. Ça commence bien... Attention : Cette contraception d’urgence n’est pas totalement efficace : une grossesse peut survenir malgré le traitement. Et merde ! (gnigningnin) Mode d’emploi et posologie du médicament : Prendre 1 comprimé le plus tôt possible après le rapport sexuel ; si possible dans les 12 heures, et au plus tard dans les 72 heures suivant le rapport. Ouf ! Ça va ! (gnigningnin) Effets indésirables possibles du médicament : Nous y voilà ! Nausée, vomissements, douleurs abdominales. Vertiges, fatigue, maux de tête. Dérèglement hormonal transitoire : règles précoces ou retardées, saignements intermittents en dehors des règles, tension des seins. Hé bah dis donc ! Rien que ça !
Je regarde cette petite pilule qui semble inoffensive dans son emballage. Un doute traverse mon esprit, mais je repense très vite au mini-pouce... Ni une, ni deux, hop ! Cul sec !
Je passe l’après-midi à scruter le moindre signe d’effet secondaire. Je me tâte, je m’ausculte. J’ai pas envie de vomir là ça va ? Ouais ça va... À se demander s’ils m’auraient pas refilé un placebo...
En tout cas, à la fin de la journée, je suis rassurée. Finalement, la pilule du lendemain, c’est pas si terrible !
Et ô miracle ! Juste avant d’aller me coucher, je parviens dans une ultime tentative à récupérer ce maudit préservatif. Berk !