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Thomas Regnier

L’inextricable de la vie

lundi 18 septembre 2006, par Franca Maï

Il existe des êtres humains sur cette terre que l’on aurait aimé rencontrer pour parler un peu, échanger des idées et des rires, dérober des instantanés de vie. Parce que dans son for intérieur, on pressentait que même si les chemins parcourus se dévoilaient différents, la sensibilité était commune, à fleur de peau.

On pensait, on a le temps ou le hasard nous offrira ce rendez-vous. Thomas Regnier, critique littéraire au Nouvel Observateur était un de ceux-là.

Nos regards ne se sont pas croisés, nos bouches n’ont émis aucun son, mais les romans ont été notre fil invisible d’échange, lui, en les lisant moi, en découvrant ses critiques, toujours délicates et intelligentes.

Il s’est défenestré d’un étage pourri inflexible, ce mois d’Août. Il avait trente-quatre ans. L’âge du possible. Il a choisi de voler loin de ses propres fêlures. Il est enterré au cimetière du Montparnasse. Regrets et paix à son âme.

Quelques critiques de Thomas Regnier

- "La réalité est le seul dieu que nous vénérons ; le dernier qui reste en magasin, peut-être." Journaliste née en 1973, adoubée par Maurice Nadeau, Mona Chollet a décidé de partir en guerre contre la tyrannie insidieuse de ce nouvel épouvantail à moineaux qui a pour nom réalité. Un haro sur la langue de bois politicienne comme sur la télévision, ce « vaccin contre l’imprévisible », qui vaut comme une apologie de la rêverie, celle qu’ont célébrée ses auteurs de chevet, de Bachelard à Walser en passant par Flaubert et Stevenson. Loin de rééditer la vieille opposition rêve-réalité, la Tyrannie de la réalité préfère distinguer un réalisme stérile, celui du repli et de l’appauvrissement, et un réalisme apte, au contraire, à réconcilier profondément raison et imagination. Délaissant volontiers l’analyse pour la polémique, et n’hésitant pas à prendre Michel Houellebecq dans sa ligne de mire, Mona Chollet signe ici l’un des meilleurs essais littéraires de la rentrée. » Thomas Regnier, Le Nouvel Observateur, « Ovations », 23 septembre 2004

- « Un été sans juillet » par Salah Guemriche

Victime d’un attentat OAS, Larbi, collégien de 16 ans, est dans le coma depuis le 1er juillet 1962, le jour de l’indépendance algérienne. Indépendance : un mot que Salah Guemriche choisit de mettre en guillemets, tant restent grandes les tensions entre l’Algérie et l’ancienne métropole. Prévarications, exode des pieds-noirs, massacre des harkis et de notables algériens, autant d’événements qui composent une après-guerre d’apocalypse. Le coauteur de « l’Ami algérien » en ressuscite les tourments, dans un récit porté par une grande intensité dramatique. Thomas Regnier. Le nouvel Observateur (Août 2004)

- "Blasons" de Georges Zaragoza

Professeur de lettres ayant passé sa vie dans les livres, le héros de Blasons est un vieux garçon doublé d’un misanthrope. C’est sans rage, mais avec un infini dédain qu’il regarde vivre ses contemporains. Un peu à la manière d’un Schopenhauer des temps modernes. Ou des personnages sentencieux et vaguement nihilistes de Houellebecq. L’obsession sexuelle et la xénophobie en moins. Un jour, « parrain » -ainsi l’appellent les siens- se voit offrir, pour son anniversaire, une semaine de vacances dans une station balnéaire en Espagne. Au programme : moins un bain de mer, on s’en serait douté- bien que l’atrabilaire consente, à la fin, à retirer ses chaussettes- qu’un bain de médiocrité, celle de la platitude béate du tourisme de masse. Pour plagier le style de Elle, ce qui s’annonçait comme une promenade de santé se révélera un chemin de croix. Blasons est le vrai-faux journal tenu par le professeur au cours de son bref exil. Les minutes de son calvaire soigneusement consignées dans une « sorte d’agenda vert » prévu à cet effet. Loin de s’inscrire dans la tradition des blasonneurs, comme pourrait le laisser entendre le titre de son premier roman, Georges Zaragoza interroge, pour le retourner, le genre médiéval bien connu : montrant comment, sous l’oeil acide de l’humeur noire, les détails de corps comme l’existence sont voués à se dissoudre dans l’insignifiance des choses. Thomas Regnier

* Un hommage du Nouvel observateur

Adieu Thomas

Le 30 Août dernier, à Paris, notre ami Thomas Regnier a mis fin à ses jours. Il avait 33 ans. Il était le petit fils de Robert Antelme, l’auteur de « l’espèce humaine » qui fut déporté à Buchenwald. Né à Rio de Janeiro, Thomas était un garçon à la fois lumineux et douloureux. Sa culture et sa sensibilité étaient immenses, mais il avait l’élégance de ne jamais les montrer. C’est son si tendre sourire dont, aujourd’hui, on veut se souvenir. Féru de philosophie et de littérature, il aimait Maurice Blanchot, Pierre Guyotat, Claude Lévi-Strauss, Marcel Schwob et le théâtre de l’Inde ancienne. Il avait rejoint « l’Observateur » pour dire, avec sincérité et brio, tout le bien ou tout le mal qu’il pensait des livres de l’actualité. S’il était parfois sévère, c’est qu’il plaçait la barre très haut. Le critique va nous manquer. L’homme de coeur nous manque déjà. L’un de ses derniers articles était consacré au roman de Nelly Harrau « Fraise » (Ramsay) et à son héroïne Célia, âgée de 7 ans : « Le réel est devenu pour elle un tyran rugueux auquel elle se heurte. La petite fille décide alors d’inventer sa vie au lieu de la vivre. » Jerôme Garcin

source : http://www.e-torpedo.net


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