samedi 10 mai 2008, par Laetitia Tendart
Le verset de l’horreur ou La malédiction de Canaan ...
"Noé commença à cultiver la terre et planta de la vigne. Il but du vin, s’enivra et se découvrit au milieu de sa tente. Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père et il le rapporta dehors à ses deux frères. Alors Sem et Japhet prirent le manteau, le mirent sur leurs épaules, marchèrent à reculons, et couvrirent la nudité de leur père ; comme leur visage était détourné, ils ne virent point la nudité de leur père. Lorsque Noé se réveilla de son vin, il apprit ce que lui avait fait son fils cadet. Et il dit : Maudit soit Canaan ! Qu’il soit esclave des esclaves de ses frères ! Il dit encore : Béni soit l’éternel, Dieu de Sem, et que Canaan soit leur esclave ! Que Dieu mette Japhet au large, qu’il habite dans les tentes de Sem et que Canaan soit leur esclave !" Genèse 9. V20-27.
Au commencement était le verbe. Le verbe divin était à l’origine une parole d’amour. Pourtant l’histoire allait en décider autrement et se servir de ce verset comme de la genèse du racisme. Les écrits saints allaient devenir la cause d’asservissements, de tortures morales et physiques. Justifiée ainsi, par la parole Sainte, cette interprétation allait vite découler sur un préjugé « la peau noire représente le pêché, le diable ou encore la laideur ». Est-ce un hasard si cette page de l’histoire est un traumatisme toujours présent ? Je loue le ciel de ne pas être née à cette époque car je ne cesse de penser que si cela avait été le cas, mes copines auraient été mes bourreaux...
Le code noir et autres humiliations...
"Déclarons les esclaves être meubles et comme tels entrer dans la communauté, n’avoir point de suite par hypothèque, se partager également entre les cohéritiers, sans préciput et droit d’aînesse, n’être sujets au douaire coutumier, au retrait féodal et lignager, aux droits féodaux et seigneuriaux, aux formalités des décrets, ni au retranchement des quatre quints, en cas de disposition à cause de mort et testamentaire." Article 44
Il était évident que mon peuple ne représentait rien. Les miens étaient entassés comme des moins que rien à fond de cale, dans un pur souci de rentabilité et ce, pour servir de main d’œuvre bon marché au nouveau monde. Ils étaient soumis à souhait puisqu’ils étaient en terre inconnue. Hommes et femmes étaient vendus comme des bêtes de somme au marché aux esclaves. Plus tard, des milliers d’entre eux étaient exposés dans des zoos humains comme la Vénus d’Hottentot qui a été l’objet d’une exhibition (mais il y a eu aussi l’exposition universelle de paris en 1878 au jardin zoologique d’acclimatation, d’une tribu du Sénégal), parce que considérés comme des bêtes, des êtres à part. Le noir était par nature un cannibale, une bête assoiffée de sexe, un enfant qui n’atteignait jamais la maturité. Le nègre comme objet de toutes les peurs, de sauvagerie. Un être détestable dont on devait constamment se méfier !
Abolition de l’esclavage, place à la colonisation...
Après quatre siècles de traite et de servitude, l’esclavage sera aboli, laissant place à la domination coloniale. Le but étant d’élever les peuples non civilisés vers la civilisation Européenne, blanche et chrétienne. La plupart des pays accèderont à l’indépendance dans les années soixante. Une décolonisation pas si vieille que ça, puisqu’elle a moins de cinquante ans !
We stand by ours leaders...
Say it loud, I’m Black and i’m proud !
Une fois le noir libre et affranchi, il reste à se battre pour avoir les mêmes droits que les blancs. Trop de souffrances au quotidien, trop d’humiliations et d’injustices, peu de considération. Le poing levé, nu ou le fusil en main, ils proclament le droit de vivre dans des conditions décentes. Pour faire valoir leurs droits, des leaders entrent dans la lutte armée, comme les Black Panthers (« Si tu me tires dessus, je te tire dessus »). La rébellion se fait ensuite pus virulente avec Malcolm X [1], plus littéraire avec Césaire (« Redressez le dos, vous êtes des hommes ! »), Fanon, Senghor, Richard Wright (je suis un homme déchiré. Je suis noir et j’appartiens à l’occident, dans Black boy) et enfin pacifique avec Martin Luther King (I have a dream). Des femmes telles que Rosa Parks (mère du mouvement des droits civiques, elle refusa de céder sa place à un blanc dans le bus), Angela Davis (militante du parti communiste et membre des Black Panthers) et aussi Afeni Shakur (membre des Black Panthers et mère de Tupac) contribuent également au combat. En Afrique du Sud, en 1947, les Afrikaners instaurent l’apartheid et l’illustre Mandela (le plus grand prisonnier politique, 27 ans de prison) se bat avec ferveur contre ce régime séparatiste. Le 11 Février 1990, le monde entier accueille avec liesse la libération de Nelson Mandela, leader de l’ANC. Le 30 Juin 1991, l’apartheid est aboli. Il y a moins de vingt ans. Lumumba et Sankara respectivement Zaïrois (ancien Congo Belge et actuel République démocratique du Congo) et Burkinabé (ancienne Haute Volta) se battent pour l’indépendance et l’anti-impérialiste.
Tous ces grands ont marqué l’histoire et ont servi de modèles à chacun. Ils ont posé un édifice, nous ont rendu notre fierté noire, nous ont fait accepter notre couleur et nous ont conforté dans l’idée que « Seule la lutte libère » !.
" De la commémoration, oui, mais pas de repentance."
Longtemps et toujours considérée comme le pays des droits de l’homme, la France a pourtant du mal à accepter et à assumer son passé esclavagiste. Cependant le code noir qui rassemble toutes les dispositions réglant la vie des esclaves est établi en France sous le règne de Louis XIV. L’Histoire, longtemps restée au fond des tiroirs, réapparaîtra en 1998, le 23 mai pour être précise : 40 000 personnes marchent silencieusement dans les rues de Paris en mémoire des millions de victimes de l’esclavage colonial. La France doit désormais faire face à son passé. Les français d’outre mer lancent le projet, la machine est enclenchée. Le 21 mai 2001, la loi Taubira est promulguée. Cependant cette date ne fait pas l’unanimité car certains souhaitent que ce soit le 23 mai, en hommage au 23 mai 1998. Plus tard, le terme de « colonisation positive », soulignant le rôle positif de la colonisation dans les colonies d’outre mer provoque un tollé. Le 23 Février 2005, Chirac abroge cette loi qui apaise les descendants d’esclaves et les pays colonisés.
Et aujourd’hui, qu’en pensent-ils ?
L’esclavage, bien que passé, marquera à jamais les Noirs du monde entier. Aujourd’hui libres, les noirs ont tourné cette page de l’histoire contrairement à ce que pensent certains, mais ils demandent tout simplement "réparation" et que ces quatre cents ans soient enseignés dans les livres scolaires. Pour ne pas sombrer dans l’oubli.
[1] (« La vérité, pour la résumer en quelques mots, c’était que les Blancs avaient "blanchi" l’histoire et les livres d’histoire, qu’ils lavaient le cerveau de l’homme noir depuis plusieurs centaines d’années. Le premier Homme avait été noir, il avait vécu sur un continent qu’on appelait l’Afrique, où l’espèce humaine était apparue pour la première fois sur la planète. Le premier Homme, l’homme noir, avait bâti de grands empires et de grandes civilisations, alors que le Blanc en était encore à habiter les cavernes et à se déplacer à quatre pattes. "Le diable blanc", à travers toute l’histoire, avait pillé, assassiné, violé, exploité et torturé toutes les races de couleur. Le trafic de la chair noire était le plus grand crime de toute l’histoire de l’humanité »)