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Les jeunes filles brûlées vives dont personne ne parle

jeudi 17 novembre 2005, par Romy Têtue

"Après les voitures, on brule les filles !" disait déjà Kahina en 2002, après la mort de sa sœur, Sohane Benziane, brûlée vive.

On compte par centaines les voitures qui brûlent en ce moment dans les banlieues, et les médias ne parlent plus que des "jeunes des cités"... mais où sont les "filles des cités" ? Tout est au masculin dans cette actualité : ces "jeunes" émeutiers sont uniquement des garçons, et côté police, pompiers, médiateurs sociaux et élus, des hommes. Femmes et filles n’existent pas, elles qui auraient pourtant tant à dire. Elles ne brûlent pas les voitures, elles qui auraient pourtant tant à se plaindre. Car on sait que partout où règne la violence, elles en sont les premières victimes. Car on sait, plus prosaïquement, qu’on ne brûle pas que les voitures, mais aussi les femmes, comme le disait déjà Kahina Benziane en 2002, après la mort de sa sœur, Sohane, brûlée vive. La "marche des femmes des quartiers" a pourtant traversé la France en 2003 pour tirer la sonette d’alarme, initiant un important mouvement, Ni Putes Ni Soumises.
Quelques années après, on aurait espéré qu’ayant été entendues, les choses aient changé : qu’on ne brûle plus les filles, que les médias daignent s’intéresser à elles, relayer leur parole.

Mais non, comme le disait aussi Kahina, ça n’en finit pas de brûler. Le 8 novembre dernier, l’Alliance des Femmes pour la Démocratie apprenait que plusieurs jeunes femmes avaient été violemment agressées, l’une échappant de justesse à une immolation [1]. Et voici le mail que je reçois ce matin, abondamment forwardé :

J’habite à Neuilly sur Marne et je voulais témoigner d’un fait dramatique qui vient d’arriver tout près de chez moi. Dimanche matin à 9H une jeune fille Marocaine, Shérazade, 18 ans a été brûlée vive par 2 jeunes Pakistanais. La seule erreur qu’elle a commise, c’était de refuser les avances insistantes de l’un d’eux et de refuser les nombreuses demandes en mariage qu’il lui avait faites. Aujourd’hui Shérazade est à l’hôpital au service des grands brûlés, son corps et son visage sont brûlés à 60% et elle se trouve dans un coma artificiel pour lui éviter des souffrances insupportables. Aucun journaliste n’est là pour relater cette tragédie alors qu’on nous abreuve chaque jour d’images sur la violence dans les banlieues.
Si vous avez le pouvoir de faire suivre cette dramatique information, merci de le faire, Shérazade a besoin du soutien de tous et toutes les initiatives pour lui venir en aide seront les bienvenues. Je souhaite bon courage à Shérazade pour le combat terrible qu’elle va devoir mener pour se reconstruire... Et si vous avez des idées à me transmettre pour l’aider, des témoignages sur ce qu’il convient de faire en de telles circonstances merci de me le faire savoir, je compte sur vous.
Nathalie, maman d’une jeune fille de 18 ans, amie de Shérazade.

Ça ressemble à s’y méprendre à un hoax (information sensationnelle, brûlante d’actualité), mais c’est hélas véridique. Une brève de l’AFP datée du 14 novembre [2] et France 3 région ont, brièvement, relayé l’information, comme s’il s’agissait d’un cas isolé, parlant encore de "dépit amoureux", mais toujours pas de crime sexiste. Ce n’est pourtant pas le premier cas de ce genre, et on connaît bien le scénario de ces meurtres (ou tentatives de meurtres) de séparation.
Et ça ne fera pas la une, une femme brûlée vive, morte ou rescapée, valant manifestement moins que plusieurs centaines de voitures brûlées. Encore, s’il n’y en avait qu’une ! car il y a fort à parier que, masquées par cette indifférence qui les rend invisibles, elles sont bien plus nombreuses à souffrir, brûler et en mourir.

P.-S.

Article initialement publié sur romy.tetue.net

Notes

[1] Une jeune femme dans le quartier du Champy a échappé de très près à l’immolation ce week-end lors d’incidents à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). (...) Au Pavé-Neuf, un quartier tout proche, deux jeunes femmes ont aussi été attaquées alors qu’elles conduisaient. Elles ont été sorties de force de leur véhicule par les cheveux lors d’attaques d’une violence inouïe menées par de petits groupes très mobiles. (...) Dans la Loire, à Ricamarie, c’est en plein après-midi, dimanche vers 16h30, qu’une femme a été sérieusement brûlée dans un bus. Des agressions très violentes, Le Parisien, mardi 8 novembre 2005.

[2] Une jeune femme a été hospitalisée dans un état jugé très sérieux dimanche après avoir été brûlée vive par son ancien ami à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), a rapporté la police lundi. Une jeune femme hospitalisée après avoir été brûlée vive par son ancien ami, PARIS, 14 nov 2005 (AFP)

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