Je n’ai jamais su me tenir droite. Mes jambes partent sur les côtés et j’ai un trou béant dans le ventre. Un vide qui laisse traverser les doutes, les espoirs, les silences. Un espace en triangle, au nom du Père, du Fils, etc. Pas que je sois très croyante, mais j’affiche la Trinité comme d’autres portent leur croix. Je suis née comme ça. Née la première. Du coup, je passe ma vie à vouloir me dresser. Tenir le rang, quoi. Je dois montrer l’exemple. Toujours au garde à vous. Prête à répondre de ma position initiale. Si vous saviez comme c’est fatigant… Depuis tous ces millénaires que j’essaye de tenir debout… Et puis, je suis partout. Voyez. Allongez-moi. Étirez-moi jusqu’au bout de votre souffle. Voilà. Je suis au-dessus de votre langue tirée pour le médecin, votre langue aplatie par un objet en bois. Je suis là. A témoigner de votre santé, de votre état. Maintenant, répétez-moi plusieurs fois de suite. Oui, multipliez-moi. Vous entendez ? Je suis le rire. Je suis vos soirées de chimères, vos éclats de lumière. Je suis cette lettre, cet affixe qu’on rajoute pour obtenir demain, pour se projeter vers ce qui doit venir. Oui, je suis l’Avenir.