jeudi 7 septembre 2006, par Séverine Capeille
Pour un webzine qui se veut au fait de l’actualité des gallinacés en tout genres ( voir « Dindes ou poulettes ? » ), interviewer les Suprêmes Dindes est proprement inévitable. Ce groupe de rock déjanté, applaudi par plus de 100 000 personnes depuis 1994, est un phénomène musical hors du commun. Quatre secrétaires en tailleurs colorés, initialement issues d’une même société, investissent les scènes et font éclater les décibels. A voir et à entendre sans risque d’indigestion.
1/ Merci à vous, Suprêmes Dindes, de nous accorder cette interview. Et d’abord, parlons un peu de votre nom, « hommage aux girls band des années 60, The Supremes » et à la dinde, « la femme un peu coincée, la bécasse. » Vous utilisez constamment la dérision : est-elle pour vous une arme ou un bouclier ? Youssef Chahine dit que la dérision est « un moyen d’extirper la frustration » : vous êtes d’accord ?
Je suis bien d’accord avec lui. La frustration et la peur sont un peu nos sentiments détestés. L’humour, et le fait de ne surtout pas se prendre au sérieux, nous aide à survivre et passer plus vite les moments difficiles. On est toujours le ridicule de quelqu’un alors, autant anticiper.
2/ Dans le groupe il y a Jaqueline Bonjon (guitare et chant), Martine Marelli (guitare, archet, chant), Anne Dubois (bassiste) et… Joseph Dubois (batterie) ! Parlez-nous un peu de vous, de vos relations. Comment prenez-vous vos décisions ?
Toujours à l’unanimité. Pour les morceaux, les choix des notes, des tempos, les directions de management, les gens qui nous entourent, on se met très facilement d’accord. Je crois qu’on est des gens faciles à vivre, et surtout, on va toujours dans le sens du groupe, et du rock, donc, on sait tout de suite quand ça coince. C’est quand on a pas été assez généreux, qu’on a trop pensé à soi, ou à nos petits caprices. Mais ça, ça n’arrive presque jamais.
3/ Vous avez fait les premières parties de (je cite une partie de l’impressionnante liste) : Jacques Higelin, des Wampas, de ceux qui marchent debout, de Parabellum, du Grotorkestre, des Fun Carmen, des Femmouses T, des Massilia Sound System, du Maximum Kouette, des Escrocs, des amis d’ta femme, de Arno, des Jambons, de Billy ze Kick, des Lutins bleus, de la Baronne, des Elles, de Boochon, des Nonnes Troppo, des Red Cardell, des Joyeux Urbains, des Malpolis, de Matmatah, de la Gnawa Diffusion, de Néry, de Jasmine Bande, d’Arthur H, des Matchboxx, des Hurlements d’léo, de Dolly, de Mass Hystéria, de Cornu, de Gustave Parking et des Double Nelson... Quelles sont les personnes avec lesquelles vous préférez travailler ?
et encore, la liste s’est encore étendue ! En gros, on a de bons souvenirs avec beaucoup de gens. Les wampas, parabellum, double nelson, maximum kouette, Jambons, Lofofora, Billy the kick, didier Super, les hurlements, Néry. C’est quand on se trouve avec des gens qui prennent le temps de se rencontrer qu’on se sent le mieux. Pour nous, ça fait vraiment tout autant partie du contrat de s’interesser à ceux qui gravitent dans ce milieu. Je veux dire, ceux qui désirent faire bouger ce pays merdique, fatigué, mou, frileux, frustré, malade, parano, sportif, raciste.
4/ Votre plus beau souvenir de scène ?
Y’a toujours des choses, à chaque fois on se rappelle de tout. Mais le plus fou était sans doute à Rennes au Mondo Bozarro en 2004. On a eu 5 heures de retard à cause d’un plein en essence à la place du diesel. On s’est costumés dans le camion, et on est arrivés pour l’heure du concert. La porte était en fond de scène, on a tout installé à vue. Le public étant là depuis déjà une demi-heure. C’était comme un ballet ! le concert était furieux. Même pas le temps d’avoir le trac !
5/ On vous compare souvent aux Wampas. Vous avez déjà pensé au jour où des groupes seront fiers d’être comparés à des « Suprêmes dindes » ?
Super ! On aura hâte de voir ça... Personnellement, j’aimerais bien assister à un concert des dindes. Chose impossible ! On va encore et encore jouer pour être au top !
6/ Paris Hilton s’est récemment mise à la chanson. Que pensez-vous de ce genre de « Suprêmes Poulettes » ?
Pas vraiment d’avis sur la question. Ca risque de ne pas être vraiment ma tasse de thé... A voir... trop capricieuse la fille ! c’est assez gênant ce déploiement de billets et de gaspillage ; peut-etre mon côté un peu rabat-joie... quand des millards de gens crèvent la dalle, j’ai du mal. Je sais que c’est pas les mêmes caisses, mais...
7/ Vous qualifieriez votre musique de rock chic, choc ou charme (rappelons qu’il vous arrive de terminer le show en culotte et soutif !) ?
Plutôt, rock sauvage. Ca permet de faire plus de choses... Chic, ça ne supporte pas le mauvais goût, ce qui est pourtant notre fer de lance...
Choc, ça fait paris match, tous des pourris, charme, un peu réducteur et trop gnangnan...
8/ Parlez-nous de « La Poutine », ce double CD/DVD Live.
Enregistré et filmé lors de notre tournée au québec en novembre 2005. Ca nous a permis de faire un point sur celles qu’on est. Comme un autoportrait...
Se voir faire... Faire que ça se voit. Comme ça, on peut passer à autre chose, déganter, faire les cons, aller encore plus loin. On se trouve encore timides...
9/ Quels sont vos projets ?
Un nouveau disque qui sort en janvier. Avec, on nous l’a promis, une grosse tournée derrière. On aimerait aller jouer à l’étranger. Faire de la musique de film, des clips, faire venir un super groupe israelien de pop : Izabo, aller jouer en Russie, en Espagne, en Angleterre, au Japon...
10/ Je vous laisse le mot de la fin, chères Suprêmes Dindes…
Tant qu’il y a de la vie... y’a de la vie. Juste, essayer de ne pas avoir trop de certitudes... ça sent trop le renfermé après... s’ouvrir... comme font les moules, parfois...