Le parcours de Pablo Moses n’a pourtant rien d’un long fleuve tranquille. Après une enfance ballottée entre la Jamaïque et les États-Unis, il se pose définitivement à Kingston. La capitale palpite au rythme du ska et du rocksteady. Le cœur de Pablo Moses, lui, vibre pour Ray Charles, Otis Redding ou Nat King Cole. Créer sa propre musique à partir du jazz et du blues, voilà qui lui parle. Dans son quartier de Vineyard Town, il s’initie à la guitare aux côtés du musicien Michael Chung qui lui présente un jour son frère, Geoffrey, futur producteur et ingénieur. Cette rencontre le mène au studio Black Ark du fantasque Lee Scratch Perry en 1975 pour y enregistrer I man a Grasshopper puis We should be in Angola, deux tubes qui finissent sur Revolutionary Dream. Ce premier album cartonne en Jamaïque, bien que censuré par les autorités qui voient d’un mauvais œil ce rasta prôner les bienfaits de l’herbe et exhorter les Jamaïcains à s’engager auprès des indépendantistes en Angola plutôt que de s’entretuer.
Le succès de ce rêve révolutionnaire se répand comme une traînée de poudre jusqu’en Amérique et en Angleterre. Pablo Moses décolle. Après un passage à l’École Jamaïquaine de Musique où il perfectionne ses connaissances musicales, il signe A song (1980) puis Pave the way (1981) sur le label Island de Chris Blackwell, le producteur de Bob Marley. De nouveau réalisés par Geoffrey Chung, ces deux galettes, à l’instar de la première, caracolent en tête des hit parades. Le chanteur entre définitivement dans l’arène musicale internationale et le petit cercle des grandes voix du reggae. Il poursuit sa carrière en solo, loin des acteurs notoires de la profession, réalise six albums, stoppe toute production discographique quinze ans durant sans pour autant cesser de tourner. En 2010, paraît The Rebirth. Une renaissance évidente de l’artiste. Éclatante quand elle prend vraiment corps aujourd’hui avec The Itinuation.
« Harrison est comme un fils pour moi » confie Pablo Moses. « Pablo ? Un elder, un père ! » renchérit Harrison. Les deux se connaissent depuis plus de dix ans et partagent une estime réciproque. Aussi, quand le jeune Californien est invité à co-produire le légendaire Jamaïcain, il se réjouit, parie sur l’excellence et rassemble la crème des musiciens jamaïcains. Nambo Robinson et Dean Fraser aux cuivres, Robbie Lyn aux claviers, Harry T Powell au tambour, Desi Jones à la batterie, Danny Axeman Thompson à la basse, Dalton Browne à la guitare… Un écrin en or pour épouser la voix exceptionnelle de Pablo Moses dont le registre n’a sans doute jamais été aussi ample qu’ici. Cette équipe de haut vol sert une autre volonté d’Harrison Stafford : embrasser un panel de grooves variés, « faire coexister différentes saveurs ». Enregistré à Kingston au studio Mixing Lab et masterisé par le maître en la matière, l’Américain Jim Fox, The Itinuation traverse ainsi l’histoire du reggae, passant du style lover (I love U) à l’esprit nyabinghi (Thanks Jah Jah). Écrit à quatre mains – Harrison est l’auteur de quatre titres – il respire la sérénité et la complicité des sessions studio qui lui ont donné le jour. Fidèle à sa philosophie rasta, Pablo Moses y condamne la violence et la corruption du système (Living in Babylon, Murder, In This Jungle), le racisme et les guerres menées au nom du capitalisme, les moutons que nous sommes à obéir aux modes et à suivre les diktats (You and Me) pour célébrer la droiture, la tolérance et la résistance (Attitude, Open Your Minds, Mercy, Lioness). « Ma seule religion est l’amour, l’égalité des droits et la justice pour tous » souffle Pablo Moses. The Itinuation en est la superbe caisse de résonance.
Frédérique Briard
* Tracklist :
01 - You and Me
02 - Attitude
03 - Itinuation
04 - Living in Babylon
05 - Thanks Jah Jah
06 - Murder
07 - Mercy
08 - Lioness
09 - I Love You
10 - In This Jungle
11 - Open Your Minds
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21.06.2017 AIX EN PROVENCE (FR) Tremplin
24.06.2017 MONTARGIS (FR) Musik’Air
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