Rien demandé
mercredi 6 juillet 2016, par Marlène T.
Gare de Lyon
Un jeune homme
Noir
S’approche de moi
Et me demande
(comme souvent
Quand je m’en viens
Dans la grande ville
J’imaginais une histoire
D’argent mais)
Il me demande
Un peu de temps
Et j’en possède
Plus que d’argent
Alors évidemment
J’accepte
Il m’offre un mouchoir
En papier
Parce que j’ai la goutte au nez
Et il me redemande
Si je veux bien
Passer quelques minutes
Avec lui
(oui, bien sûr)
Il dit qu’il est au fond du gouffre
Que ce soir il va se foutre la gueule en l’air
Je ne demande pas pourquoi
Je demande juste s’il n’y aurait pas d’autres endroits
Où la foutre, sa gueule ?
Il sourit
Un sourire pur et étonné
Les gens s’éloignent imperceptiblement
L’air méfiant
Mais je ne veux pas être méfiante
Même si je continue de lutter contre
L’envie de croire qu’il va me demander
De l’argent
Il n’en demande pas
Il me raconte sa famille tuée au Rwanda
Sauf sa sœur
Mais il ne sait pas où elle se trouve
Ne sait pas comment la joindre
Il me raconte "son" Paris et le froid
De l’air
Des gens
Il inspire, expire
Regarde vers le ciel vaguement bleu
Un rayon de soleil sur le quai puis
Il me demande
(pas d’argent, non, toujours pas)
Il me demande s’il peut
Me prendre dans ses bras
Bien-sûr, je lui réponds
Avant même de réfléchir
Et qu’y aurait-il à réfléchir ?
Qu’est-ce que je risque, au juste ?
Rien. Absolument rien !
A part le partage d’un peu de
Chaleur humaine
Il me prend dans ses bras
Comme si nous étions de vieux amis
Je me sens terriblement vivante
Lui, je ne sais pas
Mais j’aimerais pouvoir
Juste avec mon étreinte
Lui donner l’envie de rester en vie
Encore un peu
Au moins le temps de réaliser
Que nous ne sommes que de passage
Et que si parfois l’espoir semble mort
La douceur est une fleur persistante