dimanche 10 janvier 2010, par Cathy Garcia
cracher
la blessure originelle
qui ne guérit pas
ne peut guérir
juste vivre avec
ainsi soit-il alléluia
marcher dans les rangs
port obligatoire
du masque social
qu’est-ce qui me retient donc de m’en défaire ?
décliner une identité
comme on décline
une invitation
oui nos vies
ne sont que romans de gare
qui n’ont jamais obtenu de prix
pas de prix la vie
pourtant elle se vend s’achète
à tous les coins de rue
peut-on marcher sur des corps
sous prétexte qu’on ne les sent pas
sous ses semelles ?
et à part ça ?
parler de choses plus gaies
plus intéressantes
se faire des politesses
sur des corps piétinés tellement oubliés
qu’ils en deviennent invisibles
inexistants
anonymes
jusqu’au jour où ces corps-là se relèvent
pour devenir combattants de la déveine
jusqu’au jour où ces corps
reprennent consistance
par la violence
pulvérisent le sens
jusqu’au non-sens
alors ON a peur…
alors ON s’indigne
ON proteste
balbutiements d’intérêt…
la violence n’a jamais été une cause
seulement un résultat
noyer diluer sous des flots de paroles
qui ne communiquent rien
seulement du bruit
du vent du paraître
de la culture vaine
puisque rien ne se fait
rien ne change
l’érudition étalée comme une pâte
trop grasse
sur la tranche maigre des jours
prétentieuse omniscience
rien ne sert de savoir la leçon
si elle demeure non appliquée
tout ça
ne sert à rien
sans le cœur sans l’humilité
sans véritable soif de justice
pour TOUS
tout ça ne sert à rien si on ne sait pas
toucher à mains nues les plaies du monde
boire au même goulot que les parias
s’immerger dans la merde
moi non plus je ne veux pas !
je ne veux plus…
la merde aussi est un résultat
c’est l’hiver
des gens vont geler dans la rue
vous les férus d’Histoire
de quelle histoire
faites-vous donc partie ?
de celle qui a enfanté
la sale gueule du monde
d’aujourd’hui ?
celle qui ferme les yeux
s’entête jusqu’à l’absurde
enrobe la lâcheté
de discours prétentieux
déguise la peur
sous des airs de raison ?
chèques de désinfection
soupirs de circonstance
à la grande messe médiatique
c’est important de se tenir
informés…
et pendant ce temps les enfants des enfants
deviennent cruels
ce n’est plus un fossé
mais un abîme de néant qui nous sépare
le mépris n’est qu’un faible rempart
l’orgueil isole
la souffrance nous rattrape
toujours
et dans le miroir qui m’est tendu
je ne peux grandir
je ne peux faire que fuir
et me cogner dans les angles….
cracher
cracher sans cesse
pour ne pas étouffer
de rage de haine
cette immense peine
sortie sanglante et nue
d’un ventre froid
était-ce le tien
ou bien celui du monde ?
Texte extrait d’Ombromanie, paru chez Encres Vives en 2007