Psychanalyste, M. Pouquet a traité d’un brûlant sujet d’actualité
dimanche 13 février 2005, par Claudie Kibler Andreotti
Organisée par Découvertes et Civilisations que préside à Sanary Mme Arlette Boddèle, cette conférence a réuni une sorte d’élite intellectuelle qui, comme il se doit, réfléchit, mais pas forcément ceux qui sont concernés par le sujet : nous tous, sans restriction. Il est plus facile de s’endormir devant n’importe quelle niaiserie télévisée, d’aller traîner dans un bar avec les copains pour y refaire le monde que de venir écouter, réfléchir, participer surtout lorsque le sujet, d’une brûlante actualité fait en permanence la Une des journaux…
L’homme est un roseau pensant, soit, mais quels sont ses sujets de réflexion ?
« Point d’interrogation, donc, et non d’exclamation pour ce qui concerne la lutte que l’on entreprend contre la violence. Prévention ou répression ? La querelle est éternelle. Laissons de côté les discours habituels, tous envisagent la source de la violence dans tel ou tel vice de la société et appellent des réponses politiques. Prenons les choses par l’autre bout : nous, vous et moi ».
Et le psy de souligner que la violence est d’abord là en chacun de nous, donnant un exemple simple : « Si l’on raye sous vos yeux la carrosserie de votre voiture, ou vous allez intervenir vigoureusement, ou vous vous écrasez et vous vous faites violence, souffrant en silence de la violence de l’autre… Tendre gentiment la joue gauche ?
Méfiez-vous de cette vision sucrée du monde… Sachez qu’il existe des méchants -des pervers qui se rient de votre culte de la douceur ».
Le Dr. Pouquet explique tout simplement que la violence commence à la maternelle. Un point essentiel que l’on méconnaît trop souvent porte le nom de nature humaine.
Celle-ci qui nous a faits tous frères de l’homme de Cro-Magnon -mêmes chromosomes, même ADN, même fonctionnement psychique- est invariable depuis la nuit des temps.
« Lisez Platon ou Sophocle. Il y a 2500 ans, ils pensaient et raisonnaient comme nous. Il n’est donc pas question de nier ce que je laisse de côté aujourd’hui, l’impact de la société sur l’homme mais observer que les discours actuels affichent une négation implicite de la nature humaine. L’âme humaine fait partie des invariants que l’on retrouve en tout être, quel que soit le lieu ou l’époque... Il est dangereux de méconnaître ce qu’est réellement un être humain.
Précisons que l’âme dont parle le psy n’a rien à voir avec l’âme dont on vous parle à l’église. Non, il se réfère plutôt à Aristote, l’âme dont il parle est chevillée au corps et disparaît avec la vie.
L’âme est ce qui nous anime, souvent à notre insu et nous fait ce que nous sommes, au plus près du réel de l’être. »
SAVOIR NOMMER CE QUI FAIT MAL PERMET DE VIVRE MIEUX
Il est impossible de résumer deux heures d’éloquence. Retenons ce qui peut nous servir au quotidien, l’essentiel résidant dans l’éducation, les repères, la non-permissivité (oublier mai 68 qui aujourd’hui encore fait des dégâts).
Allons à la rencontre du réel, l’inconnu qui subsiste en nous. Tenir compte des exigences du réel, c’est instaurer des règles, des lois, et les respecter.
Tout commence à la naissance, où, êtres de désir, nous serons toujours en manque du paradis maternel perdu. Il faudra faire avec, et grandir !
La Loi, c’est ce qui nous protège de l’angoisse. La pathologie psychique relève d’une carence, d’une méconnaissance de La Loi.
« Le malaise des adolescents mobilise les Media. On ne sait comment y faire face car il est bien souvent trop tard : on paye à l’adolescence les erreurs pédagogiques de l’enfance… » Après avoir énuméré une litanie issue de son « bêtisier » sur le respect des lois, l’éducation… -les propos les plus fous, et anonymes bien sûr, qu’il peut entendre dans le secret de son cabinet et qui peuvent laisser perplexe !-, le Dr. Pouquet énonça longuement ce qui peut perturber le développement de l’humain, des carences affectives au manque de repères, d’éducation, d’absence d’interdits, précisant que « l’angoisse naît de la rencontre du réel, non médiatisée par des mots ».
Invitant l’auditoire à un effort de lucidité, de remise en cause éventuelle de ses positions ou croyances en divers domaines, « afin de mieux respecter le réel » Michel Pouquet proposera d’agir ensuite en conséquence.
« Si vous disposez d’un pouvoir dans la société, usez-en. La responsabilité de ceux qui font les lois et des journalistes qui informent est lourde de conséquences. Si vous n’avez pas de pouvoir, vous avez celui de parler, de prendre position face aux bêtises que véhicule le discours commun, de réagir face à ce que vous estimez être faux, sans vous taire lâchement sous prétexte de respecter l’opinion de l’autre… Enfin il vous reste un pouvoir : celui de voter. Et surtout d’œuvrer par vous-même, dans la bonne direction, en ne cédant pas à la facilité de vous glisser dans un discours commun qui charrie des idées porteuses de violence. La vie est une succession de petits bonheurs. Faire rêver les gens à un monde qui serait trop beau est une malfaisance, une malhonnêteté »
Le Dr. Michel Pouquet, psychiatre, psychanalyste exerce à Toulon. Il est l’auteur de nombreux ouvrages qui s’adressent à tous, publiés chez L’Harmatttan.