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Je m’appelle F

mercredi 25 novembre 2015, par Séverine Capeille


Non, ce n’est pas de la paranoïa. Je peux apporter la preuve que P et H se sont liés contre moi. Inutile d’essayer de me convaincre du contraire, j’ai mené mon enquête. Ils sont complices. Je les ai surpris plus d’une fois côte à côte, et je les ai entendus… Ah, si vous saviez comme ça m’a affecté… Labio-dentale sourde, fricative non voisée. Le même son que moi ! Au début, je n’y croyais même pas. C‘est bien simple, je suis resté aPHone. Stupéfait, j’en perdais mon alPHabet. L’effroi m’étouffait, je suffoquais… EFFrayé, AFFligé que j’étais ! C’est entre deux bouffées de chaleur et un frisson que j’ai pris toute la mesure de la catastroPHe : « Fichtre ! Ces fieffés félons se payent mon PHonème ! », me suis-je dit en un souffle. Deux solutions s’offraient à moi : m’effacer en silence ou faire preuve de finesse, m’aFFirmer. Suffoquant, plus mort que vif, je décidai alors de redoubler de vigilance, de devenir plus oFFensif. Depuis, je les guette sans relâche, ces deux lâches de P. et H. Je les observe, bras dessus bras dessous, au fil des métaPHores et des anaPHores, des PHrases et des paragraPHes, se glissant perfidement au cœur même de l’orthograPHe. Comme je soufffffffre ! Quand je pense que, l’autre jour, P. a eu l’audace de m’apostroPHer… Quel affront ! J’ai failli le gifler ce bouffon. C’est H. qui s’est interposé, menaçant d’exploser. Ah ça, pour la force de dissuasion… J’avoue qu’il m’a impressionné. Je me suis dégonFlé et je suis parti en laissant croire qu’ils avaient triomPHé. Mais je ne m’avoue pas vaincu. J’ai même des raisons de penser que l’heure de ma revanche va bientôt sonner. Je suis comme un naufragé de l’alPHabet, malmené par des souffles froids, à deux doigts de se noyer, cherchant n’importe quoi auquel se raccrocher, un radeau, une bouée… et finalement sauvé par un inattendu nénuFar. Ce mot porte tous mes espoirs. Né-Nu-Far. Il est accepté depuis les rectifications orthographiques de la langue française en 1990, approuvé par l’Académie, publié au Journal Officiel, inscrit dans les dictionnaires. N’en déplaise à ceux qui critiquent cette réforme : leur « guerre du nénufar » n’intéresse personne. Les gens n’ont pas le temps. Ils vont à l’essentiel. Ils abrègent tout. Ils réduisent désormais les bonheurs de leur vie à quelques Fotos. Je ne vais pas m’en plaindre. Je bénéficie de ce que j’appelle la « révolution du texto ». Il suffit d’être un peu patient et je serai débarrassé de toute concurrence. Bientôt… Bientôt…

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