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Parcours poético-précaire

mercredi 29 octobre 2008, par Cathy Garcia


Pour être autorisé à faire quelque chose, il faut l’avoir déjà fait.

Où finit l’autorisé ?

Où commence le faire ?

Pour être, il faudrait arrêter de faire, mais si on ne fait pas, on est «  rien ».

Rien. Serait-ce l’accomplissement suprême ?

Le rien, le vide, pro-matière, n’est-il pas la source originelle de toute énergie ?

Contenant et contenu, énergie inépuisable du Tout.

Mais ne nous égarons pas.

Il faut pouvoir prouver ce que l’on est.

Il faut légaliser ce que l’on fait.

Sinon on est hors.

La loi.

Du monde.

Mais en soi ?

Pour être intègre, il faut se désintégrer.

Pour s’intégrer, il faut lécher combien ?

Combien de centimètres les incisives ?

Je SUIS, toujours avec cette désagréable sensation de n’être pas en règle.

Déréglée, hors du temps, avec le temps absolu comme démesure.

Le but n’est qu’argent.

Tout est bon pour faire de l’argent.

Le bon faire c’est faire de l’argent,

Le reste est fainéantise, parasitisme.

L’art qui fait de l’argent

La culture qui fait de l’argent

La littérature qui fait de l’argent

L’humain qui fait de l’argent

Est reconnu utile.

L’art, la culture, la littérature, l’humain sont inutiles.

Seul l’argent leur donne consistance.

Que faites-vous dans la vie ?

Mais que fait la vie en moi ?

L’activité est commune à toutes les espèces vivantes.

Seul l’humain transforme l’activité en valeur qui donne une valeur à l’activité.

Autrefois j’avais un métier.

Pour certains déjà ce n’était pas un métier, mais ce métier rapportant de l’argent, comme un chien rapporte une pantoufle à son maître, c’était tout de même un bon métier, bon chien.

Parfois on me demandait, les jours de montage, tenaille en main, et sinon vous faites quoi dans la vie ?

Mon métier pouvait ressembler à un amusement pour ceux qui peut-être n’aimait pas l’activité qui leur ramenait leur pantoufle.

Mon métier c’était « artiste dramatique », c’était la case à cocher, la référence à l’agence nationale pour l’activité rapportant de l’argent, mais ça ne correspondait pas réellement à mon métier, car cela n’avait rien de dramatique.

Par contre, il est vrai que c’était plutôt artistique, le théâtre de rue, malgré les tenailles, le fil de fer, les palettes, les camions à charger et décharger. Le soir je lâchais la tenaille, me lavais les mains et grimais ma figure pour faire ce qui aux yeux de beaucoup, était un amusement.
Pourtant je vous assure, amuser les autres n’est pas toujours drôle.

Aujourd’hui je ne m’amuse plus pour de l’argent.

Je ne manie plus la tenaille non plus, ou alors juste pour arracher le bouchon plastique de la bouteille de gaz.

Aujourd’hui je n’ai plus de métier.

Je sais toujours faire ce que je faisais, je sais toujours très bien chanter, même mieux encore, mais aujourd’hui je n’ai plus de métier. Je n’ai que des souvenirs.

Aujourd’hui je suis poète mais ça n’est pas un métier et ça ne rapporte aucune pantoufle.

Je ne fais pas poète, je suis poète.

Toujours artiste aussi d’ailleurs car je ne suis pas du genre à pouvoir rester sans créer.

Oui mais créer ce n’est pas un métier.

Peindre sans être peintre, photographier sans être photographe, polir des cailloux, sculpter des bouts de bois sans être sculpteur, faire des tableaux virtuels sans être graphiste, chanter sous sa douche, apprendre tous les jours un peu plus, ce n’est pas un métier. Avoir plein d’idées non plus ce n’est pas un métier.

Et la poésie alors là c’est le bouquet !

La poésie, ce n’est pas sérieux surtout si en plus elle n’est pas déclarée.

Eh oui ! Je fais de la poésie non déclarée et pourtant j’ai l’audace de me déclarer poète.

Je sais ce n’est pas un métier.

Dites, vous n’auriez pas une pantoufle ?

1 Message

  • Parcours poético-précaire

    29 octobre 2008 14:17, par Laet

    Cathy, bravo pour cet article qui me met la larme à l’œil ... Profond.

    J’ai l’impression de me reconnaitre et de reconnaitre pas mal de personnes. Tu me plonges au cœur même du signifiant, signifié, contenu, contenant, fond et forme.

    Il y a quelques années Sévy parlait de l’intéllo précaire et bien ça me rappelle que toutes les sistoeurs partagent les mêmes luttes !

    Merci


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