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Le Clandestin : Groupe musical basé à l’Est de quelque part

samedi 29 octobre 2005, par Franca Maï

Un album musical est souvent une flânerie curieuse dans un univers qui nous est proche ou lointain. Question de temps ou d’états d’âme.

Et recevoir de la musique via ma boîte virtuelle -en sus et place, d’insultes anonymes destinées à un engagement en faveur de la libération conditionnelle de Nathalie Ménigon et des membres d’AD- est une échappée généreuse que j’apprécie particulièrement. Le cœur au chaud.

Alors la main pose fébrile le CD -adressé quelques jours plus tard- et l’immersion tâtonne son rythme.

Tout d’abord, une impression de douceur ouatée et une tessiture de voix qui berce.

Puis des notes et des mots imagés.

Il y a cette mélodie lancinante et... cette guitare au début d’un morceau qui grince en hurlant, anticipant la ligne d’un destin qui échappe. La voix se pose, s’accrochant à une ritournelle répétitive qui ondule la boîte crânienne pour mieux endormir la vigilance. Mais la guitare revient, insatiable, stridente, ulcérée, marquant cette fameuse ligne blanche qui se tord à force de lactescence et d’insipidité. Celle-là même que l’on broie avec frénésie pour mieux prendre son envol.

La chanson s’intitule :

l’autoroute

Elle rayonne de beauté chancelante.

Extrait : J’sais plus quoi faire Foncer, foncer, défoncer mes limites...

Puis quelques plages reculées, un tempo de valse de fête foraine avec des cotillons, des rires édentés et des serpentins siffleurs mais les pas sont ancrés au sol, alourdis par les servitudes quotidiennes. Et la mélodie joue sa rengaine hypnotique au tournis lapidaire. Elle sait que les travailleurs comptent leurs pas tous les matins, épaules voûtées et horizons fermés aux promesses inaccessibles. L’espoir en déroute.

La chanson s’intitule :

Arbeit macht Frei (Le travail libère) Elle sent la sueur humaine.

Extrait : ... Les veines ankylosées Par les abus Et le manque d’envie de subsister Il ne reste guère que ces feuilles blanches Et la douce chaleur de son corps Par intermittence Et qui peut dire qu’il est plus heureux qu’un enfant !...

Si je vous parle de ces deux chansons précises, c’est parce qu’elles m’ont touchée particulièrement. Je vous conseille néanmoins l’album dans son intégralité. A découvrir à certaines lueurs blafardes de la nuit. Car comme dans tous les voyages, il y a aussi les secrets qui se divulguent à leur heure. Sur un fil ténu. La magie d’une écoute.

Le groupe Le clandestin est composé de Nicolas Gafanesch, Alexis Untereiner, Loïc Untereiner et Pierre Schreiber.

L’illustration de l’album Clandestin a été conçue par Laurence Heyd.

Le site du groupe

Interview

1- Franca Maï : J’aimerais que vous me racontiez votre première révolte ?

Nicolas : J’avais cinq ans, et je ne comprenais la façon que les êtres humains ont de traiter le monde qui les entoure, et j’étais sûr que les enfants de mon âge devenus adultes seraient différents de leurs aînés. Les arbres, les animaux, les autres hommes et femmes... Notre rapport au monde est étrange, flou et pourtant immuable. Je pense toujours la même chose, mais la différence c’est que maintenant je ne me révolte plus jamais, à moins que ce ne soit tout le temps et pour n’importe quoi, ce qui revient au même, et même je participe au désastre...

2- F.M : Léo Ferré a-t-il été important pour vous ?

Alexis : Je ne connais pas trop Ferré, mais j’ai découvert une partie de son oeuvre au travers d’un album de Bell Oeil.

Bell oeil Hurle léo Ferré est un album merveilleux, les chansons qui m’ont marqué sont Sur la scène, à mon enterrement, vingt ans,Monsieur William....Le vin de l’assassin. Loïc saura vous en dire plus...

3- F.M : Vos racines musicales ?

Nicolas : C’est très varié : j’écoute depuis toujours Renaud, depuis vraiment tout petit. C’est sûr que ça marque, que ça change la vision et le rapport au monde. Ensuite, je suis venu à la musique anglo-saxonne par le hip-hop, puis la fusion (Rage against the machine, Urban dance squad...) et enfin ce qu’on appelait alors le mouvement grunge, et bien sûr Nirvana. Ce qui est bien avec Kurt Cobain, c’est que en plus d’être la dernière vraie « Rock star », au même titre que Lenon, Dylan ou Lou Reed, il a ouvert des portes, notamment grâce à l’unpplugged. J’ai ensuite pu m’intéresser moins superficiellement à la musique qu’écoutait mon père,les Beatles, Dylan, Neil Young, le Velvet Underground, the Cure, et puis au rock anglais en général : the Smiths, blur, Radiohead.

La chanson Française est très importante : Brel bien sûr, Renaud, Françoise Hardi, Alain Souchon, Thomas Fersen, Miossec, Keren Ann et Vincent Delerm mais pour eux je suis le seul dans ce cas je crois...), les Têtes Raides, Noir Désir (quelle tragédie...), Manu Chao, Mathieu Boogaerts, Alexis Hk, Jean-Louis Murat... Et la première accroche avec la chanson française, à part Renaud, ce fut sans conteste l’avènement des Louise Attaque, qui ont profondément boulerversé le paysage musical français de l’époque.

Alexis : Blur, noir désir, syd barret, les berruriers, eels, beattles, the libertines, Souchon, Radiohead, Fersen, Bob marley et pleins de trucs français.

4- F.M : Que pensez-vous de la tolérance zéro ?

Nicolas : C’est un mauvais concept manié par des gens qui se trompent.

Alexis : Style audacieux, apte à générer la dictature... Sain pour la création artistique...

5- F.M : Quel serait pour vous le monde idéal ?

Nicolas : Un monde de vérité. Mais ça pourrait aussi être le pire monde possible !!! Alors disons un monde débarrassé de la culpabilité et du pardon chrétien, et où les gens ne taperaient plus sur leurs enfants. A la base j’ai cru à la vie en communauté... Mais je me résigne à vivre dans notre monde parfait...

6- F.M : Auriez-vous aimé naître ailleurs ?

Nicolas : Non, sans façon.

Alexis : Oui et non.... Oui au dix-neuvième siècle en France... Et puis oui n’importe où ailleurs ! Et puis ici ça me va aussi.

7- F.M : Et si je vous dis copyleft, que répondez-vous ?

Nicolas : Que les artistes les plus copiés et téléchargés sont ce qui vendent le plus.

Alexis : Je crois que la sacem a des vertus... En tant qu’organisateur de concerts, non ! C’est clair... Mais en tant que musicien ! L’impôt sur les droits d’auteur devrait être exonéré lors des concerts ! Mais les radios et la télé doivent payer... Quant à Internet, pour l’instant notre musique est proposée gratuitement, bien que l’on vende un album 12 euros (port compris). A l’avenir, j’ignore comment nous allons fonctionner.

8- F.M : Racontez-moi un rêve qui vous a marqués à jamais ?

Nicolas : Je répondais à une interview sur ma musique. Alors merci beaucoup.

Alexis : Quant à moi, j’aime à m’étendre sur le sujet ! Pour moi, le rêve est simplement une autre réalité. Il occupe mes nuits comme le quotidien occupe mes jours. Par conséquent, il y a un tas de rêves qui m’ont marqué... Mais je vais vous en narrer un qui date de deux ou trois ans. Je suis dans mon lit, tranquillement, lorsque une tension se fait sentir. Je me lève et constate avec un brin d’effroi que la maison est vide, les fenêtres grandes ouvertes. --- L’adrénaline me monte déjà virtuellement au cerveau --- Je traverse le salon, m’apprête à sortir de la baraque. La nuit est étrangement claire, je franchis la porte-fenêtre du salon et lève les yeux craintivement. Une forte lumière me traverse et je constate avec horreur que la lune est cassée en deux ! Ils ont réussi à casser la lune !!!

9- F.M : Le livre de votre enfance ?

Nicolas : « Le petit prince », évidemment.

Alexis : Aucune lecture fantasmagorique avant mes vingt trois ans (sinon Malraux mais c’était au lycée.

10- F.M : Le livre de votre chevet ?

Nicolas : « Accident nocturne », de Patrick Modiano (que j’ai découvert grâce à Delerm).

Alexis : En ce moment, "Boule de suif" Maupassant, un Boulgakov (je crois), et je viens de finir un Modiano et "contes de la folie ordinaire" Buck

11- F.M : Le livre que vous aimeriez écrire ?

Nicolas : « Tous les hommes sont mortels », de Simone de Beauvoir. Trop tard...

Alexis : L’insoutenable légèreté, l’arrache coeur, bel ami, le rouge et le noir, Don quichotte, sur la route ... En général, je m’identifie et je voudrais plutôt vivre la vie des personnages de roman.

12- F.M : Présentez-moi votre groupe ?

Nicolas : On n’écrit pas des chansons pour ne pas changer le monde...

Alexis : Quatre humains se retrouvent assez souvent pour provoquer des sonorités. Très souvent, ils pensent au fait qu’ils font ça !

13- F.M : A quoi tient le fil qui vous relie ensemble ?

Nicolas : Une admiration réciproque, je pense.

Alexis : Je suis d’accord avec nico. Le fil est une chanson géniale de Loïc qui sera le tube du prochain album du clandestin.

14- F.M : Comment appréhendez-vous la mort ?

Nicolas  : Mal... Je n’ai cessé d’y penser de l’âge de 6 ans à celui de 10. C’était une obsession. Après on essaie de faire avec...et on n’y arrive pas.

Alexis : Je pense à la mort tous les jours. Je l’appréhende moyennement, cela dit ! Mais je l’aime ! Désolé je n’ai trouvé que ça ... C’est Thiefaine qui chante : je vous dis bravo et vive la mort ! ... Thiefaine est un grand !

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