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Fête du livre de Toulon

"Livres en liberté"

Rencontres « Patchwork »

samedi 4 décembre 2004, par Claudie Kibler Andreotti

Ce huitième Salon du livre de Toulon, Livres en liberté, fut, sous l’immense chapiteau, comme chaque année, mais davantage encore peut-être, l’occasion de rencontres, dialogues, échanges entre le lecteur et l’auteur. Pouvoir parler à ceux qu’on lit, que l’on admire, est un moment fabuleux rendu possible par ces rencontres littéraires.

Deux écrivains ont marqué de leur absence le salon : Yves Berger et Gao Xinjiang.

Gao, L’âme de la montagne, Le livre d’un homme seul, a certainement préféré le rester. Dommage : le Prix Nobel de littérature 2002 s’était vu refuser l’entrée du Salon du Livre de Paris. Pierre Défendini, à la tête d’Alice Événement, l’avait invité dès ce rejet de la Capitale, le 22 mars, à venir à Toulon.

Que s’est-il passé ? Gao avait accepté. Il était attendu. On le savait à Marseille. Mais était-ce trop pour ceux qui ont connu « la longue marche », que de faire « un grand bond en avant » en franchissant les 60 km séparant Marseille de Toulon ?
L’homme seul a-t-il eu peur de la foule ?
Sourire jaune sur le visage de ceux qui en avaient fait leur tête d’affiche… Et des lecteurs qui l’attendaient.

Invitation à une promenade, d’une allée à l’autre, des Balkans à la Chine… en passant par la France !

Vladimir Fedorovski, écrivain, diplomate, fut conseiller de Gorbatchev. « Je viens souvent dans le Midi. La Riviera est un lieu mythique pour les Russes ».
Belle personnalité, éloquent, homme passionné, enthousiaste, volubile, il ne cache pas ses sentiments sur le passé, ni sur la politique actuelle de son pays.
Il présentait plusieurs de ses ouvrages dont son triptyque : Le roman de Saint Petersbourg, Le roman du Kremlin, Le roman de la Russie insolite sorti cette semaine, Les Tsarines et une belle espionne sont les personnages essentiels des Femmes qui ont fait la Russie. Autre ouvrage : Diaghilev et Monaco.
Il publiera en janvier un livre relatant l’histoire de Catherine Ière à Raïssa Gorbatchev, commence ses phrases par « Vous savez »… Diplomate pendant plus de vingt ans, il a quitté ses fonctions lors du départ de Gorbatchev, voici dix ans et raconte les coulisses d’un monde particulier. Les événements qui l’ont le plus marqué ? « L’élan de liberté, le nivellement par le bas, par les coups bas, la corruption…"
Les informations le désolent par leur « désinformation ».
« Vous savez, je suis très sceptique quant à l’évolution de la Presse. Je suis très inquiet car il y a des clichés, toutes les chaînes s’imitent… Poutine ? C’est un personnage sophistiqué, très contradictoire. Je ne l’aime pas. Il est teigneux dans la gestion des crises… Il verrouille tout, installe des polices secrètes. Il y a des otages… Et on a tué beaucoup trop de monde. Mais je ne veux pas avoir de préjugés : il est parfois bon ! »
Wladimir Fedorovski est intarissable et conclut : "Les gens fantasment à mon propos, cela m’arrange pour vendre mes livres ! Mais je n’ai pas l’influence que l’on me prête… Dégoûté de l’uniformisme-conformisme j’essaie d’avoir dans mes livres un franc-parler…"

Les Chinoises : Catherine Bourzat, infatigable voyageuse, formée à l’école du Louvre, sinologue, elle parcourt la Chine et les Indes, en rapporte mille histoires, vit avec les minorités, écrit, raconte avec enthousiasme… Des livres illustrés de photos superbes et rares. Crâne rasé, elle a coupé le lien d’avec ses racines !

Ursula Gautier, épais cheveux noirs, yeux en amande, journaliste au Nouvel Observateur, chargée des dossiers « Extrême-Orient », vécut dix ans à Pékin où elle apprit le chinois et obtint sa licence. Passionnée de cet immense pays, la Chine, elle analyse, raconte avec ferveur.
« Le Volcan Chinois » fait la synthèse des 20-25 dernières années de réforme.
Magnifiquement enthousiaste elle raconte l’évolution de ce grand pays. « Les chinois ne s’arrêtent jamais. On voit les constructions grandir 24 heures sur 24. »
Vent et poussière est son premier roman.

Yvelyne Feray raconte des histoires de grands-mères chinoises, vietnamiennes et cambodgiennes. Sa production littéraire est importante. Européenne, elle se veut plus chinoise que les chinois !

Jacques Kerriguy, directeur des Affaires Culturelles de l’Université de Toulon, vécut plus de 20 ans au Japon où il a de solides attaches, dont Lucas, son petit-fils !
Il a pu, depuis son premier voyage en 1982, étudier le pays, les gens et leur philosophie !
Celui qui dirigea la maison franco-japonaise est intarissable sur l’histoire, les us et coutumes, et jusqu’à la vie et le régime alimentaire des Sumotori… même s’il n’est pas japanisant !
Ses deux livres, La jonque cathédrale et L’agonie, ont pour toile de fond le Japon et une réalité historique. Il raconte ce qui fut le choc de deux mondes, de deux civilisations, « le Japon était au milieu du XVI° siècle le peuple le plus cultivé que François-Xavier ait jamais rencontré, alors que les Japonais savaient qu’il existait d’autres civilisations autour d’eux, et une autre religion, le christianisme. » D’où l’écriture sans doute de « L’agonie ». À lire, pour réfléchir, méditer. À lire pour la plume de l’auteur qui bientôt sera admis dans un Cercle Varois très académique !

Sylvain Tesson, jeune homme passionnant, grand voyageur, se suffit à lui-même. « La solitude est douce et fertile, c’est une bonne compagne. »
Il parcourt la planète, la Russie, la Mongolie, la vaste Asie, de préférence en sa propre compagnie ! Il pratique le Russe, est parti pendant neuf mois seul, à pied, à cheval, à vélo, sac à dos, a refait la route des gens qui s’évadaient des goulags de Staline, a franchi l’Himalaya, à 6000 m d’altitude….
« Refusant leur destin d’esclave, préférant la liberté à la pâtée, ces évadés claquaient la porte du camp… » en douce, fuyaient vers le Sud. Les goulags ont existé jusqu’en 1991 puis furent interdits. J’ai rencontré de nombreux rescapés des camps qui m’ont raconté leur histoire. Tous les destins ont rencontré le cours de l’histoire… Ils ont exhumé pour moi tout ce passé. Il n’y a pas chez eux de devoir de mémoire comme chez nous en Russie. Pleurer sur le passé est pour les gens bien nourris."
Sylvain Tesson raconte dans L’Axe du loup ce que les autochtones lui ont confié : « Vous avez un devoir de mémoire, lui ont dit ces femmes dont le souci quotidien primordial est de trouver du chou pour leur repas. Nous avons seulement le droit de nous souvenir ! »
Le jeune auteur-voyageur infatigable passe du terrain d’aventure au terrain d’écriture. L’axe du loup, De la Sibérie à l’Inde. Sylvain Tesson fils de Philippe, a également écrit « Katastrov » car, en Russe, des milliers de mots viennent du Français, cela est dû à l’histoire d’amour que les deux pays ont tissée : cela a créé des passerelles. Chez Laffont, Phoebus et Glénat.

Union de la plume et du pinceau, fusion de l’encre et des couleurs : Jean-Marie Cuzin, aujourd’hui toulonnais, a illustré un très beau volume écrit par Yves Guéna, président de l’IMA, L’histoire de France racontée à mes petits-enfants. Des Gaulois à la Révolution Française, magnifique livre publié par les Éditions Pascal Jeunesse, s’adresse aux enfants d’une dizaine d’années. De nombreuses œuvres de Jean-Marie Cuzin, spécialiste de l’illustration historique, Prix de l’aquarelle au salon des Armées, aux Invalides, ont été acquises par des musées et autres organismes publics et privés.

Thomas Allart, Éric Stoffel et la belle Pandora : Une conversation savamment illustrée.
Autre harmonieuse et fabuleuse union, celle d’un scénariste, d’un génie du dessin et de la belle Pandora. Ceci donne une Bande Dessinée d’enfer, BD pour les initiés… que Thomas Allart illustrait d’un dessin patiemment peaufiné - pas une caricature réalisée en trente secondes- offrant en dédicace à son lecteur une superbe oeuvre unique d’artiste … Les lecteurs, amateurs de B. D furent choyés. En furent-ils conscients ? Thomas et Éric ont présenté à Toulon leur dernier né, le quatrième tome de Pandora : Tohu Bohu. Succès assuré pour ces deux marseillais.

Bernard Boyer a gravi tant de montagnes sous toutes leurs faces qu’il les connaît avec toutes leurs difficultés, leurs beautés cachées. Il gravit, photographie et filme. Puis écrit, édite. Il en parle savamment, avec chaleur, que ce soit de la Meije, du Mont Blanc ou du Massif des Écrins ou des sommets d’Asie. Ses livres aux photos qui font rêver sont éloquents !

Jeune prêtre à l’Évéché de Toulon, le père Charles Mallart, Toulonnais, proposait plusieurs titres : Chrétiens, il n’est pas interdit de lire la Bible, Les sacrements à quoi ça sert ? Croyants et incroyants s’approchèrent de lui pour recevoir des éclairages et … la bonne parole !

Raoul Mille fut l’ami d’Alphonse Boudart. Disparu, comme Yves Berger aujourd’hui.
« La meilleure façon de penser aux disparus, de préserver leur mémoire est de les lire"
Il présentait son dernier ouvrage, ciselé à la plume : Vie et mort d’une amoureuse. Il restitue la « fragilité et l’incandescence d’une héroïne poitrinaire dans ce théâtre à ciel ouvert qu’est alors Nice et la promenade des anglais : Marie Bashkirtseff »
Ses héros ? "Ils sont nombreux et ceux que je choisis me passionnent. Soit leur vie est tourmentée à souhait, soit ils sont créateurs. Mais il y a nécessité pour moi d’un mariage avec la région. J’aime Scott Fitzgerald, Marie Bashkirtseff. Ces personnages me touchent. Ce sont ceux dont j’aime le plus parler…"
Raoul Mille ne fait pas un travail de journaliste mais de création. « Je préfère parler des gens qui sont très éloignés dans le temps. La Callas fait exception. Ce n’est pas le descendant ou l’anecdote qu’il me raconte qui m’intéresse. Ces gens dont je parle sont déjà des personnages de légende… Non, je préfère, comme je l’ai fait avec Hemingway, analyser ses relations avec sa femme, avec sa maîtresse. Je m’imprègne du temps, dans tous les sens du terme - époque et météo !- et par cheminement intérieur je peux les embrasser entièrement. Ma démarche est celle d’un ami. D’un ami qui les aime ».
Raoul Mille comme l’artiste chinois qui disparut dans la forêt qu’il venait de peindre court le risque d’oublier un jour qu’il est notre contemporain et d’être englouti dans l’univers de ses personnages de légende…

Isabelle Horlans, journaliste très connue, grandes responsabilités à la Télé où elle est rédactrice en chef, a eu le malheur de tomber amoureuse du patron de l’anti-terrorisme. Passionnée, elle est tombée dans le piège… « Pestiférée, j’ai tout perdu. À 40 ans, j’ai découvert la haine, sentiment très encombrant dont j’essaie de me défaire. Ce qui a été particulier dans mon histoire, c’est que j’ai tout perdu au moment où j’étais le plus fragile : Travail, homme que j’aimais, amis. Tout ! Mais je n’ai pas perdu mon travail à cause de lui : les R. G. (Renseignement Généraux) se sont acharnés sur moi, se sont jetés sur notre histoire avec une délectation morbide. À partir de là on répand le venin. Les patrons de Presse étant ce qu’ils sont, je me suis retrouvée mise au ban de la société. »
Isabelle Horlans raconte dans Les Sanguinaires, publié chez Denoël, ce long parcours, où femme aimée, passionnément aimante, puis blessée elle est traînée dans la boue, enfante seule, et survit doucement après cette descente en enfers où seul son petit garçon Thomas, 4 ans, soleil de sa vie lui apporte bonheur et réconfort.
Son livre Les Sanguinaires (titre choisi car les Corses l’ont en partie sauvée d’une belle dépression, et parce que son petit garçon a été conçu là) retrace son long chemin de croix romancé (seuls les noms sont changés !) qui du métier qu’elle aime et exerce avec rigueur, éthique, de la découverte de la passion, l’entraîne dans une histoire insoupçonnable. Remarquablement écrit. On dirait un roman noir. Il s’agit des quatre ou cinq années de sa vie… « Jeanne est journaliste de télévision. Elle a couvert les guerres, des tremblements de terre, des faits divers. Les horreurs l’ont blindée. Roc, petit soldat de l’info, elle se croit invincible. Jusqu’à ce jour de janvier 2001 où, défaite, elle se recroqueville sur le Quai de Grenelle, face à la Seine, prête à plonger… Trop de femmes se reconnaîtront. Certains hommes risquent de se reconnaître…Surtout celui, « marionnette » d’un pouvoir, qui l’a abandonnée, oubliant aussi qu’il est le père d’un fantastique petit Thomas.
« Je pige à droite, à gauche, vis très modestement aujourd’hui, par rapport à ce que j’ai connu, en travaillant pour France 3, France 5 et Europe 1 nous a confié Isabelle Horlans.
Elle termine pour Lattès « Je parle ». C’est l’histoire d’une femme qui revient du bout de la mort…

Sybille de Bollardière, auteur chez Denoël, a un tout autre parcours. Elle s’est mise dans la peau d’un homme pour en comprendre le mécanisme de pensée, les agissements et les faiblesses et raconte dans Le défaut des origines l’histoire d’Henri : « Par peur d’être quitté, il se sépare de son compagnon Tom, trop jeune pour lui… »
"Les saisons passaient, je venais de m’installer dans le Marais avec Tom peu après notre retour d’Hammamet… Malgré les mises en garde de Lorenzo…"
Sybille Bollardière assure la direction d’une célèbre société de gravure-imprimerie à Paris et signe là son premier roman ! De la belle ouvrage !

Jacques Gary publie Les escrocs chez Denoël. Il parle de toutes ces escroqueries qui peuvent être également des escroqueries à l’affect.
Christian Leroy, cinéaste doué peut-être un génie méconnu. Il n’a rien réalisé depuis longtemps. Il ne lui reste que sa vie à mettre en scène. Expulsé de son appartement, il est urgent pour lui de s’accrocher à un nouveau scénario. De l’arnaque amoureuse au détournement d’une immense fortune, Christian passe avec succès les étapes de son nouveau destin et se révèle être un manipulateur hors pair… Jusqu’à ce que… Comédie burlesque, machiavélique.

Jean-Loup Chifflet affichait son Guide du sous-développement personnel, Malheur au bonheur, et Petit dictionnaire des mots retrouvés, préfacé par Jean d’Ormesson. Tout cela avec sa verve et son humour coutumiers. « Si vous voulez des recettes pour mieux vivre, achetez mes livres ! »

Sandra Duval, auteur toulonnais, présentait son Surcouf. Intarissable sur le sujet, elle a aussi publié Le poison de Vérité, et Chicago.

Bernard du Boucheron, PDG retraité de grandes sociétés a reçu le prix de l’Académie Française pour son premier roman Court serpent. Roman violent, cruel, il est fondé sur un fait historique. Fin funèbre, sinistre, d’un petit peuple de Scandinavie venu en Islande et se retrouve par hasard sur les rivages hostiles de la Nouvelle Thulé.

Le Club de la Presse que préside Michel Leterreux présentait deux auteurs dont, Daniel Thouvenot, journaliste, qui relate les années d’enfer de la famille Mauffrais dont le fils Raymond disparut dans les années 50 en Guyane et qui a fait don de ses droits d’auteurs à la famille. Un DVD sur la rencontre tropézienne présidée par Georges de Caunes a été réalisée et diffusée lors du Salon.

Dominique Sampiero a écrit, avec J. Tavernier Holy Lola. Un film tiré de ce livre par Bertrand Tavernier est sorti sur les écrans de France cette semaine. Chacun sait aujourd’hui qu’il s’agit de l’histoire, véritable parcours du combattant des parents qui veulent adopter un enfant… À lire et à voir. Sampiero a vécu tout ce qui est écrit au Vietnam où la soif de savoir l’a conduit.

Alain Guerder, médecin toulonnais, présentait en l’absence de l’auteur François Chevalier, un magnifique ouvrage sur le Circuit Paul Ricard. Lui-même auteur de quelques pages, alors qu’interne en médecine, il effectuait des permanences sur le circuit lors de grandes courses, il évoque de grands moments d’une époque aujourd’hui révolue… Souvenirs, souvenirs. Émotion garantie pour tous les fans !

2 Messages de forum

  • > "Livres en liberté"

    14 décembre 2004 14:51

    Bonjour et merci pour votre article sur mon roman : "Le Défaut des Origigines" par Claudie Kibler Andreotti. Je dois faire cependant un petit rectificatif, ce livre n’est pas publié chez Denoël mais chez Ramsay... Merci à toute votre équipe. Je garde un très bon souvenir de Toulon et j’espère bien y revenir pour mon prochain livre !

    Sybille de Bollardière cdirection@cassegrain.fr

  • > "Livres en liberté"Une splendide cccasion pour un auter de rendre ses livres vivants.

    24 novembre 2006 18:15, par Jacques Danois Portail Catheron 84410 Bédoin
    J’ai été particulièrement heureux de rencontrer les visiteurs du salon 2OO6 qui vient de se terminer.J’ai pu donner de la vie à mon livre"MICRO AU POING" dans lequel je raconte mes aventures de correspondant de guerre et baroudeur de révolution en Algérie,en Afrique noire,en Palestine et Israel et surtout au Viet-Nam dont j’ai couvert le dernier conflit,celui des Américain ,de 1963 à 1973.Les interviews du "cabaret littéraire",celles que la présence du journaliste de la région m’ont permis de donner encore plus de largeur"parlée" à mon oeuvre écrite !L’important de ce genre de manifestation réside ,à mon avis,dans les contacts humains que les auteurs peuvent ainsi établir avec le lectorat du pays.Les ventes ont ,bien entendu,une importance évidente mais la fraternité qui nait sous le chapiteau de Toulon est une valeur sure,riche et chaude. Jacques Danois auteur de "Micro au poing "Jacques Danois auxEdition Patrick Robin Paris.

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