samedi 7 juillet 2012
« Liberté, le mot magique. L’homme planant au-dessus des volcans, sans entrave, heureux de sentir l’air le fouetter, le vent le griser, le soleil le réchauffer. Liberté, le mot clé qui poussait Lulu et Jacky au tréfonds de salles de plus en plus obscures, de bars enfumés, avinés d’ennui et de mal-être. Ils fuyaient leurs maisons, leurs femmes, leurs rêves, leurs mômes. Ils avaient honte d’être chômeurs puis de toucher le RMI que l’Etat leur recrachait dans son inénarrable mansuétude. Ils ne savaient que faire de cette liberté. Sans fric, ils étaient perdus. Sans ce minimum de putain de fric gagné à la sueur de ce job perdu, ils devenaient des larves. Ils ne pouvaient enfanter une rébellion, ils ne pouvaient s’imaginer moteurs d’une révolution, géniteurs d’une grosse bombe lancée à la gueule de la société, cette mère maquerelle. Non, ils pouvaient tout juste avaler leurs anxiolytiques, leur cannabis, leurs substances psycho-actives devant la neige éternelle de l’écran de télévision, en riant béatement du désœuvrement de la race humaine. Ils étaient le pur produit de cette mère infâme, bâtards ivres appartenant aux statistiques. Ils étaient dans le tiroir que la société leur avait attribué, tout comme le cercueil qu’elle leur avait réservé pour plus tard. »
Franca Maï, Momo qui kills, Cherche-midi (2002), rééd. Pocket, nouvelles voix (2004)