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Je m’appelle N

mercredi 17 juin 2015, par Séverine Capeille

C’est à moi qu’tu parles ? C’est à moi qu’tu parles ? C’est à moi qu’tu parles comme ça, mec ?...

Me nommer revient à m’opposer à l’amour. Pourtant, certains disent que lui ou moi, c’est pareil, que « l’indifférence » serait la seule à faire la différence.
Ce n’est peut-être pas faux.
Il est vrai que nous avons des points communs, comme cette manie de rendre aveugle. Mais je suis plus rapide que mon rival, je me propage plus vite, fier de pouvoir faire couler autant d’encre que de sang. Je m’engouffre dans chaque faiblesse ; me fortifie dans l’absence de pardon ; me nourris de vengeance, de rancune, de jalousie, de déception. Je me trouve toujours des justifications car mes impulsions n’excluent pas ma raison. Mon truc, c’est de m’endurcir avec le temps, de me considérer de plus en plus légitime. Et je n’ai jamais aucune pitié pour mes victimes. La morale ? Je m’en moque. Je suis funeste et invincible. Les violences, les meurtres, les barbaries en tous genres m’imposent un rythme effréné. Tuer, détruire, supprimer : je n’ai jamais eu autant de travail que depuis le siècle dernier. Ce qu’il me faut de mauvaise foi et de sang-froid. Et comme je dois innover tant en cynisme qu’en sadisme. La tâche qui m’incombe est énorme mais je fais partie de ces écorchés vifs qui ne baissent pas les bras. Je devrais, sans doute, moins m’attacher aux détails et m’en tenir au résultat. Cousin Hub n’a pas tort quand il dit que « L’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage ». J’ai d’ailleurs adoré son histoire de mec qui tombe d’un immeuble de cinquante étages. C’est le meilleur moment de mon film éponyme sorti en 1995. Après tous ces titres à l’eau de rose, tous ces « happy end » qui parcourent l’histoire du cinéma - à dégoûter de (se) donner autant de mal – j’ai enfin pu me voir en haut de l’affiche. Ça n’a pas été facile de faire face à cette soudaine célébrité, à cette belle reconnaissance sociale. J’ai littéralement crevé l’écran ! C’est là que j’ai réellement pris conscience de mon incroyable talent. Il faut dire que je suis perfectionniste : je ne me contente pas d’être une menace pour les autres, je pousse le vice jusqu’à en être une pour moi-même.

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