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"Je m’appelle Mina" de David Almond

traduit de l’anglais par Diane Ménard

dimanche 2 novembre 2014, par Cathy Garcia

Je m’appelle Mina est un véritable petit joyau, d’une rare luminosité, précieux dans sa sensibilité, sa justesse, la délicatesse avec lequel il aborde des sujets difficiles comme la mort, le deuil, la différence, la difficulté d’être, la peur des autres, la tentation du suicide ; des sujets sombres et pourtant ce livre est illuminé de l’intérieur, habité d’une joie profonde. Il offre à travers le prisme – et quel prisme ! - des pensées de Mina, un merveilleux hommage à ce qui fait de nous des êtres véritablement humains : le questionnement, la beauté de la vie et de tout être vivant, l’amour, l’amitié, l’imagination, le sens poétique, le goût de l’aventure et de la liberté, la quête d’identité, l’authenticité et la force de surmonter ses peurs.

Mina a neuf ans, son père est mort et elle vit seule avec sa mère. Mina est différente, du moins c’est ce que semble vouloir lui signifier le monde au-delà de sa maison, de son jardin et de son arbre dans lequel elle passe une grande partie de son temps. Alors Mina démarre un journal, pour confier des secrets bien-sûr, mais aussi parce que Mina adore jouer avec les mots, inventer des histoires, inventer du rien, du bizarre, laisser les mots « flâner et vagabonder », car pour Mina les mots « devraient voler comme les chouettes, voleter comme les chauves-souris, et se faufiler comme les chats. Ils devraient murmurer, crier, danser et chanter. » Et ce n’est pas à l’école qu’ils peuvent faire ça, à l’école les mots sont comme Mina : en cage.

Heureusement la maman de Mina la comprend, la comprend si bien qu’elle décide de la scolariser à la maison, parce qu’elle voit bien que Mina ne pourra pas apprendre de l’école, mais il y a tant de choses à apprendre à la maison, d’une promenade dans un parc, de travaux artistiques dans la cuisine, tant à apprendre d’un arbre et des merles qui y font leur nid et d’une phrase de Paul Klee. Tant à apprendre en observant le ciel, la nuit, les étoiles. Mina « adore la nuit. Tout semble possible la nuit quand le reste du monde est endormi ».

Mina a juste besoin de temps, de temps pour grandir, pour devenir courageuse et pouvoir dire un jour « bonjour, je m’appelle Mina » au garçon qui vient d’emménager dans la maison d’en face, celle du vieux monsieur qui est mort. Mina a besoin d’écoute, de tendresse et de l’amour immense de sa maman, qui sait bien que même lorsqu’on devient adulte « il reste toujours au fond de soi quelque chose de minuscule et de fragile (…) comme un tout petit oiseau, qu’on aurait en plein cœur » et « en fait ce n’est pas du tout une faiblesse. Si on oublie que c’est là, on a de gros ennuis ».

Alors Mina n’a pas besoin d’opération de déstrangification, Mina est juste Mina. Une petite fille de neuf ans qui a perdu son papa et qui grandit quand même, à son rythme. « Est-ce que tout le monde ressent cette excitation, cette stupéfaction en grandissant ? ».

Je m’appelle Mina est un livre aussi beau que bouleversant, drôle aussi et vivifiant, comme un torrent de montagne, doux comme un chat et hors norme, hors cage, hors pensée unique, il fait vraiment du bien. C’est de la pure poésie, de la poésie qui marche, qui court, qui pense et qui danse sous les traits de Mina, et pas seulement dans le fond mais aussi dans la forme de ce journal, où les mots s’échappent, grandissent, rapetissent, où les pages noircissent ou se vident totalement, où Mina propose tout un tas d’activités hors piste et donne de superbes titres aux chapitres tels que :

Dinosaures, pain perdu & voyage aux enfers
Choux de Bruxelles, sarcasmes & mystères du temps
Roulé aux figues, urine, crachat, transpiration et tous les mots qui expriment la joie
Le jour des évaluations blablibertysnack et lumidosité
En marchant, pizza, étoiles & poussière

Laissez-vous donc emmener par ce livre pas comme les autres, parce qu’il n’est tellement pas comme les autres que chacun est sûr de s’y retrouver dedans.

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Je m’appelle Mina de David Almond – traduit de l’anglais par Diane Ménard, Gallimard jeunesse, Folio Junior mai 2014. 318 pages, 7 €.

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David Almond a d’abord été postier, vendeur de balais, éditeur et enseignant ! Un beau jour, il a quitté son travail, vendu sa maison et a rejoint une communauté d’artistes pour se consacrer entièrement à l’écriture. Il publie des livres aussi bien pour les adultes que pour la jeunesse qui lui valent aujourd’hui la réputation de véritable classique. « Skellig », son premier roman pour la jeunesse, remporte un grand succès et reçoit la Carnegie Medal et le Whitbread Children’s Book of the Year. Pour « Le Jeu de la Mort », on lui décerne le prix britannique Silver Smarties et le prix américain Michael L. Prinz. Il est également l’auteur d’« Ange des Marais Noirs » (Gallimard Jeunesse). « Le cracheur de feu » a été récompensé en Angleterre par la Carnegie Medal et le prix Smarties en 2003. Il allie souvent réalité et imaginaire, créant un mélange excitant et original, composé de drames humains, d’allégories et d’épisodes surréalistes. Il est l’un des écrivains préférés de J. K. Rowlings, l’auteur de « Harry Potter ». Le prix Hans Christian Andersen, parfois surnommé le "petit prix Nobel de littérature", lui a été décerné à Bologne en 2010.


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