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Carnets d’Asie - 3

jeudi 5 juillet 2012, par Mireille Disdero


Maï Chau, Viêt-Nam, juin 2012

Après la chaleur bruyante de Hanoï et ses rues dominées par les scooters, on quitte la ville avec un guide et un chauffeur. Notre réserve d’eau est insuffisante mais la clim nous donne l’illusion du contraire. Rouler, rouler des heures sur une route à deux voies parfois cabossées, parfois couvertes de terre et bordées de récoltes de maïs, de foins de riz, de légumes vendus à même le sol. Au bout d’un certain temps pourtant, les montagnes prennent corps. Le guide nous explique leur symbolique et celle de l’eau. Les pics sont le principe masculin tandis que l’eau, la rivière, symbolisent la féminité.

On pénètre maintenant dans une vallée tranquille, direction des villages construits sur pilotis, longeant les cultures de riz et, en espaliers, celles du thé. Les bananiers me rappellent qu’on traverse des zones tropicales. J’oublie que toute cette beauté a un prix. Le premier village est accueillant et à peine touristique. C’est un mélange de vie agricole qui suit son chemin sans infiltration de l’Occident et de frémissement d’ouverture sur l’étranger.

Un homme dort, abandonné au sommeil dans son hamac. Des arbres à pains offrent leurs fruits comme dans un jardin de la divinité. Un buffle à la robe sombre, derrière une cabane de bambous, patauge et renifle en attendant la liberté. Des coqs de combat cloîtrés dans leurs cages étroites se fixent, immobiles et hallucinés par… le calme apparent de l’existence entre deux batailles. Un bassin. De petits poissons dans une vasque. Une dame qui ébouillante les cocons de vers à soie. Des maisons de bois… On apprend qu’autrefois les paysans construisaient les habitations sur pilotis à cause des bêtes qui rodaient. On nous dit qu’avant, il y a longtemps, ces terres cultivées faisaient partie de la forêt. Il n’y a plus beaucoup de tigres… La peur change de camp. Cependant les moustiques, eux, règnent et ne disparaîtront pas.

Le village, entouré de rizières, ressemble à un port minuscule, où l’eau n’aurait pas de profondeur. Nous les traversons à pied, en direction du second, plus éloigné, et surtout, à la rencontre des buffles d’eau. Des enfants chassent les criquets qui attaquent le riz avec de grands filets à papillons virevoltant dans l’atmosphère gorgée de lumière et de chaleur mêlées. Cette image qui se répète ressemble à un mirage. Par endroit, des cendres fertilisent les cultures, par ailleurs, de petits rectangles se transforment en nurseries de riz qu’on transplantera plus tard, en temps voulu. Rien ne se perd, tout se transforme…

En approchant du second village, nous comprenons aussitôt que celui-ci n’a plus grand chose à voir avec les touristes ou un quelconque besoin de s’extérioriser. Ici le calme est présent au même titre que les êtres qui y évoluent. Les vaches le savent, qui s’éloignent en nous découvrant, mais pas les buffles d’eau qui nous observent en mastiquant, le museau pointé vers l’avant. Ils sont beaux et gras et ressemblent à leur terre. Le seul humain que nous croisons, après, est un homme en bleu de Chine assis en tailleur au bord du chemin. Il décortique des escargots couleurs miel et charbon, mettant dans ses gestes beaucoup de patience et de recueillement. C’est la première fois que je le croise, pourtant il m’est familier… La couleur, le geste, le silence, la lenteur de l’animal qui sera consommé. Tout est déjà inscrit, quelque part. Une cueillette d’escargots dans l’enfance, peut-être…


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