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Anniversaire & Egotisme

dimanche 30 octobre 2011, par Séverine Capeille

Aujourd’hui, vendredi 28 octobre 2011, nous sommes à deux mois de mon anniversaire. Pile.

Oula ! Cet article commence dangereusement, me dis-je en relisant la phrase. D’abord, je prends le risque, en donnant la date qui débute ce texte, de dévoiler le temps (forcément long à l’heure du web) que je mettrai à l’écrire. Ensuite, je me vois claironner aux francophones du monde entier (enfin, seulement ceux qui passeront par ici, ce qui réduit considérablement le nombre, mais quand même…) ma date de naissance. Tant pis. Jouons la transparence. Après tout, j’ai bien le droit d’écrire au rythme qui est le mien (ah ben tiens ! on vient de passer au samedi 29 octobre 2011. Il est minuit et quatre minutes) et puis, si quelques lecteurs ont envie de me souhaiter mon anniversaire dans deux mois… Pourquoi pas ? J’aime bien qu’on me souhaite mon anniversaire. En cela, je peux remercier Facebook qui a largement augmenté le nombre de personnes qui y pensent désormais. Le 28 décembre, j’ai plein de messages sur mon « mur ». C’est sympa. Pour un peu, je me ferais des amis le reste de l’année rien que pour ça. On se sent vieillir, certes, mais on n’est pas seul. C’est d’autant plus important à mes yeux que, dans le jeu des deux familles qui oppose « les mecs qui pensent aux anniversaires » et «  les mecs qui oublient les anniversaires », je suis systématiquement tombée sur la deuxième catégorie. Pas de chance. Ils « zappaient » cette pauvre date coincée entre noël et le jour de l’an. Je ne parle pas des cadeaux. Loin de moi l’idée de recevoir un quelconque parfum ou un médaillon en forme de cœur que j’aurais pu montrer aux copines. Non. Tout simplement, mes mecs ne disaient pas un mot. Eux qui partageaient, de près ou de loin, ma vie durant de longues années restaient muets comme des carpes le jour où il fallait se réjouir de la naissance de celle qu’ils disaient aimer ! Il faut dire que nous n’étions pas amis sur Facebook. Ça a dû jouer. Récemment, j’ai vu que l’un d’entre eux, désormais inscrit sur le réseau social, avait souhaité l’anniversaire de Marion Cotillard. Comme quoi ! … Mais pourquoi je raconte tout ça ? Ah oui, dans 2 mois, tout juste, j’aurai 38 ans. Ça fait 8 ans que Sistoeurs existe. J’avais 30 ans.

Les chiffres s’alignent, comme un tirage incomplet du loto. 2. 38. 8. 30. On pourrait tracer une courbe pour relier les points, et ça ferait un serpentin, une ondulation qui mimerait, par exemple, l’inconstance des statistiques du site. 2. 38. 8. 30. Que des chiffres pairs. Je ne sais pas ce qu’il faut globalement en penser… Est-ce que ça porte bonheur ? Ah oui, parce qu’il faut que je vous dise, à ce stade de ma vie, je m’en remets à la chance. Quand j’avais trente ans, ce n’était pas pareil. J’avais la force de la jeunesse. Mais maintenant… Pour vous donner une idée, on commence à faire des soirées « souvenirs » avec les copains. Franck amène son Ipad et on joue à des « blind-tests » sur des chansons des années quatre-vingts. On rythme nos conversations de « tu te souviens ? » et on creuse nos rides en riant de toutes nos dents jaunies par le tabac. L’Ipad, c’est notre position de repli. Ça nous permet de ne pas penser. Si non, c’est trop dur. On se rend compte qu’on ne sera jamais riches, qu’on n’a pas même un « Incroyable talent » à monnayer, qu’on est coincés. A moins d’avoir du bol…Et moi, perso, je n’en ai jamais vraiment eu, du bol. En réalité, je ne compte pas trop là-dessus. Enfin bref. A trente-sept ans et des grosses poussières, tandis que j’essaye de trouver qui a chanté « Cargo de nuit » en 1983, je mesure la distance parcourue et constate que, loin d’être arrivée à bon port, mon embarcation a parfois été emportée par les bourrasques de la vie. Mes idéaux ont pris l’eau. Je rame. Tiens, à trente ans, je voulais écrire un roman. Aujourd’hui, je mets des post-it sur le frigo. A ce propos, savez-vous qu’il y a un cours dans le livre de français des CAP destiné à apprendre aux élèves « Comment écrire un post-it » ? Véridique. Pour dire si on prend les jeunes pour des cons. Oui, parce que je suis prof. J’ai choisi ce métier en pensant que j’aurais du temps, eh ben non. Mauvais calcul. Au CFA, ils m’ont filé 18 classes. Et puis, ils m’ont dit qu’une matière, ce n’était pas suffisant. Je dois également enseigner l’Histoire et la Géographie. C’est dans le contrat. Du coup, dans mon sac, j’ai toujours plusieurs paquets de copies, que je corrige au gré de mes déplacements en bus, ce qui a pour conséquence systématique d’attirer le regard de mes congénères parce que, vraiment, définitivement, je n’ai pas le look d’une prof de français – non mais, c’est quoi ces baskets ? Si mon statut n’a pas eu de prise sur mes habitudes vestimentaires, force est de constater quelques fâcheuses conséquences sur mon rythme d’écriture. D’abord, parce que j’aime écrire la nuit et que, me lever ensuite à 6h30 si je n’ai pas eu mes huit heures de sommeil, c’est juste impossible. Ensuite, parce que le soir, justement, j’ai de moins en moins de choses à dire, vu que je parle déjà toute la journée. Je me contente de petites phrases laconiques, jetées sur Facebook de temps en temps sous forme de « statuts ». Simple et efficace. Quant à la teneur de mes articles… Si je voulais faire du chiffre, du clic en pagaille, je devrais parler de sexe. La recette est imparable et aussi regrettable qu’incompatible avec mes efforts désespérés pour ressembler à ce qu’on attend de moi dans mon métier. Je sais… Y a des profs qui font des livres érotiques… Mais pas moi. Moi, je suis du genre à désespérer de voir « Vaginale Story » arriver régulièrement en tête des statistiques, toutes rubriques confondues. Quand je pense aux heures passées sur des poèmes, aux tripes que j’ai dû déballer pour parvenir à finir mes articles figurant dans la section « Prose Hack », alors qu’il suffit d’un petit texte de cul… De quoi jeter le stylo et toute ambition littéraire. De quoi faire des phrases courtes, sans rimes ni métaphores, pour rappeler que Sistoeurs fête son anniversaire.

Ahahaha ! (<= rire étranglé de lucidité). Venons-en à l’essentiel pour ne pas agacer le lecteur pressé. Trêve de digressions ! Sistoeurs a huit ans, et alors ? me direz-vous. En effet, rien. Et c’est là tout l’intérêt. Toutes ces années n’ont rien changé : le webzine est resté fidèle à ce qu’il était. Il ne souffre aucune concurrence puisqu’il ne court aucune course, naviguant tranquillement au gré des vagues à l’âme. Je mène la barque. Souvent, je rame, moussaillon d’un bateau en papier. Je me fais un sang d’encre. Mais je tiens le cap, contre vents et marées. Et ça, ça mérite bien quelques bougies à l’arrivée (de même que, après ce que mes ex m’ont fait supporter, j’aurais pu espérer, chaque 28 décembre, au moins une pièce montée…) ! Financièrement, cette activité ne me rapporte rien, pas un cent (là, je verrais bien l’ongle du pouce qui vient râper les incisives en un claquement significatif), et ça explique d’ailleurs mes espoirs désormais tournés vers la Chance, vers un coup du Destin salvateur, mais je suis – ô combien – riche d’expériences diversifiées. Je suis sûre que beaucoup m’envient. Non ? Ah ! (<= Déception non dissimulée). Il y a pourtant un réel plaisir à publier les textes de Franca, de Mireille, de Marlène, de Cathy…, de ces femmes qui savent à la fois réveiller les consciences et apaiser les douleurs, bousculer les certitudes et interroger les cœurs. Relisez : « Qui sait ? » ; « Fauves emmurés » ; « Everything is under control »  ; "Sommes-nous ?"... Quant à moi (égotisme, quand tu nous tiens…), parmi les textes que j’ai pu écrire, il y en a un qui tient une place particulière : . « Je nous tue ». Véro, une collègue de français et amie, qui se définit elle-même comme « ma première fan » (et qui est d’ailleurs la seule, d’où son courage et ma reconnaissance éternelle) peut témoigner du temps que j’ai pu mettre à l’écrire. Nous nous croisions dans les couloirs de l’établissement scolaire (<= périphrase pour ne pas nommer l’endroit où je bosse) et elle me demandait : « Alors ? Fini ? », et je répondais « non » avec, chaque jour, les joues un peu plus creusées. WTF, j’en ai bavé. Le mec concerné, quand il a découvert le texte trois ans plus tard –oui, parce que mes mecs ne lisent pas ce que j’écris en général – a été très en colère. J’en profite pour lui dire ici, au cas où par hasard il tombe sur ces lignes, que j’ai bien reçu ses vociférations sur mon répondeur et qu’il est hors de question que je supprime « Je nous tue » : plutôt mourir ! Ce texte n’est peut-être pas le plus lu (ce serait plutôt « Le Gang anti Gode ») mais c’est à mes yeux le plus abouti. Et puis Véro l’aime bien aussi. Je ne veux pas la décevoir. Elle fait partie de ces gens qui (<= je devrais peut-être tous les citer, mais je risque d’en oublier alors, lâchement, je généralise) donnent du sens à cette aventure débutée il y a huit ans. J’avais trente ans. Je le redis. E poque bénie à laquelle le gynéco ne me disait pas encore de me dépêcher de faire des enfants. Age révolu des nuits blanches qui ne marquaient pas durablement mon visage (compter environ une semaine de cernes violacés aujourd’hui) et des sorties en hiver malgré les intempéries (VS : Quoi ? Il neige et tu voudrais qu’on aille « boire un verre » dans un pub alors qu’on peut même plus fumer à l’intérieur et qu’on va devoir se cailler pour prendre notre dose de nicotine ? Ça va pas la tête ?). Avant, ma référence, c’était plutôt Coluche. Maintenant, c’est Cioran (ô cette petite phrase que j’aurais pu rétorquer au gynéco : « Ces enfants dont je n’ai pas voulu, s’ils savaient le bonheur qu’ils me doivent ! ». Zut !). Avant, je ne savais pas que l’internaute restait en moyenne 1 minute et 18 secondes sur le site. Maintenant, il y a Google Analytics. Combien seront-ils, infatigables et compatissants, à être allés au bout de ce texte qui leur aura fait perdre leur temps ?

Illustrations : Jean Marie Bastar.

6 Messages de forum

  • Anniversaire & Egotisme

    30 octobre 2011 17:54, par Thierry Brun
    Bises. Des vraies. Évidemment, aucune réponse ne vaut. Il n’y en a pas. Ou alors, des mauvaises, des bancales. Des qui diraient à moitié ou en partie. J’ai lu. Oui. J’ai 47. donc quelques verres de plus. Et je n’ai qu’une pauvre certitude : je n’en ai aucune. Alors avançons. Prenons des risques. Gamellons-nous. Un coup de reins, et hop. Au moins on aura tenté le truc. Des bises, oui, des vraies. Th
    • Anniversaire & Egotisme 30 octobre 2011 19:33, par Marlene T.
      Le temps n’est jamais perdu quand on vient ici te lire miss Sev’ ! Et ton anniv, je ferai au mieux pour y penser (je suis nulle en mémoire des dates...) et même, je prévoirai une vraie carte dans une vraie enveloppe (à l’heure du web 2.0, c’est presque de la rébellion !) gros bisous et à très vite (je passe bientôt sur Lyon, ça serai chouette qu’on puisse se croiser)
      • Anniversaire & Egotisme 30 octobre 2011 20:09, par Séverine Capeille
        J’ai toujours su que tu étais une vraie rebelle ;o) Je serais ravie d’avoir une carte Marlène ! On se voit dès que tu foules le sol lyonnais, avec un grand, très grand plaisir. A tout bientôt.
  • Anniversaire & Egotisme

    30 octobre 2011 23:42

    Moi G beaucoup ri & chuis arrivée au bout avec plaisir mais en + d’une minute 18 secondes... c ke g pris mon temps pour apprécier ce texte !!! ;))

    Biz ma belle & MERCI,

    K.

  • Anniversaire & Egotisme

    7 novembre 2011 17:49
    Toutes mes félicitations à Séverine qui a imaginé, créé et entretenu ce site qui s’intéresse à tous les sujets de société, tout en laissant libre cours aux lecteurs d’alimenter les débats. Bien à toi,ma chère Sev et à bientôt ! Alpha
  • Anniversaire & Egotisme

    28 décembre 2011 10:55, par DAR8

    Bon anniversaire Sevy ! Et bon anniv à SistoeurS, que j’ai donc vu naître à quelques jours ou mois près (je croyais que c’était plus vieux que ça lol) ! :D

    Au plaisir de se recroiser à la terrasse d’un Kebab ! :P


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