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Lettres (que je n’ai jamais envoyées) à Tom...

lundi 23 juin 2008, par Flô Bouilloux


Jeudi matin – Inquiétude

Tom où es-tu ?

On est inquiets.

Ton numéro ne fonctionne plus, on a en boucle la litanie : Orange vous informe que le numéro demandé n’est pas attribué.

Tu n’es pas rentré à l’appart depuis mardi.

Tu es parti sans tes clefs.

On a besoin de toi pour signer le bail du nouvel appartement, demain, et tu es introuvable.

Est-ce qu’il t’est arrivé quelque chose ?

Jeudi après-midi – Colère

Qu’est-ce que tu fous ?

On te cherche partout, personne n’a de nouvelles de toi.

Plus ça va, plus j’ai peur que tu sois parti. Je repense à Chris, notre coloc écossais, qui a décidé de disparaître, de tout quitter, un mois après être rentré à Edimbourg.

Tu ne nous as quand même pas fait ça ?

J’ai peur que tu sois à l’hôpital et qu’il te soit arrivé quelque chose de grave, mais en même temps, si tu n’y es pas et que tu nous as vraiment laissé tomber, je te préviens que tu as intérêt à ne pas croiser ma route parce que je vais t’y envoyer, moi, à l’hôpital ! Ou du moins j’essaierai...

Vendredi – Déception

Alors c’est ça, tu nous as abandonnés.

J’avais encore quelques doutes après avoir téléphoné au centre de recherche hospitalière, mais je viens de tomber sur ton blog où tu as publié un article complètement banal ce matin.

Je ne comprends pas, après tout ce qu’on a vécu depuis ces huit derniers mois.
Après le nombre d’heures incalculables passé dans la cuisine, parfois des journées entières, à discuter de tout, de la vie, de l’amour, et même de choses à qui je n’avais jamais parlé auparavant.
Après les projets qu’on avait élaborés : de scénarios, de documentaires, de films...
Après avoir imaginé ensemble notre vie dans le nouvel appart : les soirées cocktails, les apéros sur le balcon, les parties de jeux vidéos...

On était faits pour s’entendre. Je t’ai laissé entrer dans ma vie, je te faisais confiance, tu étais devenu un ami proche, j’aimais me voir dans tes yeux, j’étais presque amoureuse.

Et toi, tu te casses, tu disparais, sans prendre la peine de nous laisser un mot.

Et tout ça pourquoi ? Un problème de fric.

Samedi – Nostalgie Vitriolée

Tu nous as bien foutu dans la merde, enfoiré.

Mais ne t’inquiète pas, on n’a pas besoin de toi pour s’en sortir.
Tu n’es pas essentiel, tu n’es pas irremplaçable.

Je te faisais confiance. Je ne t’ai jamais mis la pression par rapport à l’argent que tu me devais, je savais que tu me rembourserais dès que tu pourrais.

J’ai encore été bien conne sur ce coup-là.

Mais alors c’est quoi la solution ? Séparer amitié et argent ? Pas évident de refuser d’aider un pote quand il est dans la merde.

Je n’en reviens toujours pas que tu m’aies fait ça, toi, avec tes grandes phrases : La liberté, c’est faire des choix et les assumer.
Assumer tes choix, quatre mois après avoir démissionné, quand tu commençais à t’enfoncer, ça aurait été de continuer à travailler avec moi en tant qu’enquêteur par téléphone. Un boulot, certes, chiant, mais qui fait des sous à la fin du mois, en attendant de trouver mieux. Mais tu n’es pas resté, c’est d’ailleurs un de nos seuls sujets tabous.

En tout cas, le choix de disparaître va être difficile à assumer.
Pas évident de tout quitter, ses amis, sa famille,... et de ne jamais revenir.

Toi qui disait que la roue tourne toujours et que quand on fait du mal quelqu’un, il faut s’attendre à ce que ça nous retombe dessus, tu as intérêt à être prudent, parce que ça pourrait bien t’arriver.
Je ne comprends toujours pas que tu aies préféré partir plutôt que d’en parler. On aurait pu trouver des solutions, il y a toujours une solution.

J’ai l’impression que le Tom que je connaissais et le Tom qui m’abandonne ne sont pas les mêmes, comme si j’avais vécu avec un fantôme.
Je repense à nos discussions, à nos parties de rigolades et j’ai l’impression d’avoir rêvé.

Outre le fait que tu m’aies fait perdre de l’argent, tu m’as surtout fait perdre mon temps.
En te rencontrant, j’ai perdu mon temps.
En m’inquiétant pour toi, j’ai perdu mon temps.

Vu comme tu me laisses tomber, je ne dois pas être grand-chose pour toi.
Alors je ne te regretterai pas et je ne pleurerai plus.

La collocation, c’est comme une soirée de cuite, on sait jamais comment ça va finir.

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7 Messages de forum

  • Petite musique pour accompagner le texte...

    How does it feel ?

    Voir en ligne : Like a Rolling Stone

  • Lettres (que je n’ai jamais envoyées) à Tom...

    3 juillet 2008 09:49, par Marlene T.
    La mutation des sentiments (inquiétude, déception, colère,...) est très bien rendue dans ce texte ! Comme une giffle. Qu’on se serait prise ou qu’on voudrait balancer. Bien écrit !
  • Lettres (que je n’ai jamais envoyées) à Tom...

    23 juillet 2008 21:11, par laetitia
    Fiction ou Réalité ? Parce que je t’aiderai bien à l’envoyer à l’hosto
  • Lettres que j’ai bien reçu...

    31 juillet 2008 10:31, par Tom

    Bonjour florence,

    il est tres fort ton texte, tres beau, beaucoup plus que ce que j’ai fait. J’ai été injuste avec vous, avec toi.

    "Alors je ne te regretterai pas et je ne pleurerai plus".. et je t’en remercie... c’est ce que j’attend de tous ceux que j’ai connu.

    j’aimerais te dire plein d’autres choses mais l’endroit n’est pas aproprié. un jour sans-doute, quand j’aurais rassemblé assez de courage.

    en ce moment j’ecoute les rolling stones... je suis a deux doigt de chialer... mais je me retiens parceque chialer dans un cybercafé ça le fais pas quand meme.

    mes amitiés a laetitia ( qui veux m’envoyer a l’hosto)...

    to be continued... pas ici, pas maintenant.

    • Lettres que j’ai bien reçu... 3 août 2008 15:40, par Flô

      Salut Tom,

      Un mois après, les souvenirs s’effacent, je refoule, j’oublie. Enfin j’essaie... Pour cicatriser, j’ai besoin d’oublier, au moins pour un temps, le temps que la colère et les rancœurs s’apaisent, le temps de me sortir de la galère où tu m’as mise et de prendre du recul.

      Mais à chaque fois que ta mère m’appelle, que tes amis m’écrivent pour me demander où tu es passé, je replonge dans cette histoire, les points de suture cassent et la plaie se rouvre.

      Car si tu es le centre d’attention de tous tes amis, de toute ta famille - ça doit te faire plaisir même si tu soutiens le contraire – tu m’as placée, moi, sans le vouloir, en tant que centre névralgique, tout converge vers moi. Et je peux te dire que ce n’est pas toujours évident de répondre gentiment à des mails désespérés quand on essaie soi-même d’oublier.

      Je viens de passer une heure et quart au téléphone avec ta mère en écrivant ce message et nous avons, je pense, compris beaucoup de choses. Le Tom que je connais n’existe pas. Cela fait quatre ans que tu mens à tout le monde, que tu t’inventes un personnage, un Super Tom.

      Petite Bio D’après ses parents, en 2004, Super Tom réussit sa maîtrise, puis poursuit ses études tout en travaillant dans une association. D’après ses collègues, en 2007, Super Tom quitte son travail – qu’il occupait à temps plein – pour poursuivre ses études. D’après ses colocs, Super Tom a quitté son travail parce qu’il n’en pouvait plus de mentir à des bénévoles et des collectivités pour une association pas si altruiste qu’il n’y paraît. Puis en 2008, Super Tom va recevoir les Assédics et tout va aller pour le mieux.

      Après la Liberté, j’ai un autre sujet de philo pour toi : la Vérité.

      Mentir pour ne pas décevoir, ça peut à la rigueur se comprendre, mais ça en a mené plus d’un au meurtre... Par contre, il y a une chose que je ne comprends pas : moi, je ne te connaissais que depuis quelques mois, à quoi bon me mentir ? Tu aurais justement pu commencer à arrêter. Qu’est-ce que ça peut me faire que tu aies une licence ou une maîtrise ? A quoi bon pousser le vice jusqu’à m’expliquer ton sujet de mémoire et me raconter ta soutenance ? Honnêtement, je m’en fous, je ne choisis pas mes potes en fonction de leur diplômes.

      Je pense en réalité que ça va au-delà, tu veux en jeter, tu veux en mettre plein la vue. Tu racontes des tas d’histoires de voyages, de traversées en bateau qui tournent à la tempête, d’aventures mémorables... Où est le vrai, où est le faux ? Tu parles beaucoup, tu prends de la place, tu occupes l’espace et l’attention. Ce n’est pas forcément une critique, plutôt une constatation pour te dire que tu peux le faire autrement qu’en mentant. Tom es drôle et attachant, Super Tom est exaspérant, tu n’as pas besoin d’être toujours le plus fort.

      Je comprends mieux que tu aies des choses à me dire, mais plus que du courage, c’est d’humilité dont tu auras besoin. C’est de l’humilité qu’il faut pour affronter la vérité, pour admettre aux yeux de ses amis, de sa famille qu’on n’est pas Super Tom. Mais c’est aussi de l’humilité qu’il faut pour avancer, pour admettre qu’on peut s’améliorer, pour accepter de travailler pour progresser.

      Dans ta nouvelle vie, tu vas rapidement te retrouver face à un choix difficile : le mensonge ou la sincérité. Tu n’as pas besoin d’être Super Tom pour qu’on t’aime. Mais, au fil des ans, le mensonge est devenu un réflexe pas facile à contrarier. J’espère que tu feras le bon choix, pour ne pas avoir à disparaître de nouveau dans quelques années.

      Lorsque j’aurais cicatrisé et que tu auras le courage et l’humilité nécessaires, je serai-là pour entendre – je dis bien entendre et pas lire – ce que tu auras à me raconter.

  • Lettres (que je n’ai jamais envoyées) à Tom...

    31 juillet 2008 18:25, par Mam de Flô
    Quelle bonne surprise de réapparaître ainsi ! Quel homme est-tu donc pour ne pas mieux assumer le chomage, les dettes ? Où donc est la dignité que ta mère t’a appris ? Car ta mère, y penses tu donc ? Que crois tu qu’elle a compris de ta disparition ? A l’écoute de sa souffrance, elle te cherche partout, comme ton père d’ailleurs ! Et elle m’a dit comme elle pardonnera quand elle saura que tu es vivant ! Disparaître en ne disant ni au revoir ni adieu, ce n’est pas être un homme, mais un ado honteux et confus, esseulé, qui n’a pas compris qu’il pouvait trouver encore de l’aide dans une situation qui lui paraît, à lui, désespérée. Que fais tu donc de l’amitié qui t’est portée. "Avoir un ami, c’est être responsable" disait le renard. Etre aimé, c’est être responsable aussi ; et tu es aimé, j’en témoigne, moi qui ne te connaîs pas mais qui aies juste entendu ta maman. Adulte, responsable, assumer, dignité, voilà des mots bien difficiles à entendre. Pourtant, j’espère que tu vas montrer à tes parents, tous tes nombreux amis, tous ceux qui t’aiment et sont prêts à t’aider, que tu deviens un homme...
  • Lettres (que je n’ai jamais envoyées) à Tom...

    2 juin 2009 19:20, par Joe Higashi
    c’est franchement pas cool ça !! quel idiot !!

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