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Gestionnaire des tâches ménagères

dimanche 6 avril 2008, par Flô Bouilloux

Dimanche pluvieux. Réveil difficile. Un temps à rester chez soi. Je décide de ne rien faire, mais alors rien, ni vaisselle, ni ménage, ni rangement. En même temps, ce n’est pas vraiment mon habitude de passer mes dimanches au milieu des gants Mapa et des produits à la javel. Pourtant, il y en aurait besoin, mais bon... pas envie. Mes deux colocataires mâles s’en occuperont si le coeur leur en dit, sinon tant pis.

Vous avez dit féminisme ?

Une amie vient boire le thé. Elle m’annonce qu’elle fait partie d’une association féministe. Je reste coi. Cela m’intrigue, pour moi le féminisme, c’est des histoires de Simones : Simone de Beauvoir et la liberté sexuelle, Simone Veil avec le droit à la contraception et à l’avortement, mais aussi des trucs moins cools, quasi extrémistes voire anti-mecs. Je suis donc un peu sceptique et lui demande quels sont les enjeux du féminisme en 2008. Elle m’explique que le droit à l’avortement est toujours d’actualité, rien n’est jamais acquis, la preuve, en Italie on parle de l’interdire de nouveau... Et puis elle me montre des cartes postales de son association pour alerter l’opinion publique à propos de problèmes comme les violences conjugales, le viol, le fait qu’une femme, à diplôme égale, n’obtient que très rarement le même poste et le même salaire qu’un homme...

Et puis, l’une de ses cartes attire mon attention. Le message dit : 80% des tâches ménagères sont effectuées par des femmes, le gêne du ménage existe-il ? Le partage des tâches au sein du couple, vaste débat... Mais n’est-ce pas une vision un peu simpliste du problème ? Car, premièrement, on pourrait faire la carte postale opposée : 80% des travaux de bricolage sont effectués par des hommes, le gêne du bricolage existe-il ? Et d’autre part, si les hommes n’effectuent que 20% des tâches ménagères c’est peut-être aussi que les femmes ne les laissent pas faire...

Exemple

Un peu plus tard dans l’après-midi, alors que je repense à cette question devant la télé, je tombe sur On a échangé nos mamans. L’émission met en jeu, cette semaine, deux mamans aux habitudes, évidemment, opposées qui échangent leurs vacances. L’image que l’on a de chacune au départ c’est que l’une, quasi féministe, est férue de découvertes culturelles et de randonnées - avec sa famille, ils n’arrêtent pas une seconde et mangent ce qui leur tombe sous la main - et l’autre est du type mère au foyer, le quotidien de la famille au camping, c’est Madame qui s’occupe des enfants, Monsieur qui s’amuse avec ses amis, qui fait de la plongée, etc, et tous les soirs ils reçoivent des amis pour l’apéro. Mais au fur et à mesure de leur séjour, on se rend compte que tout n’est pas si tranché : la sportive féministe s’avère être limite asociale et avoir beaucoup de mal à s’amuser, et la femme au foyer ne se plaint pas du tout de sa situation, au contraire, on comprend qu’elle s’accapare ses enfants parce qu’elle a peur de les voir grandir et la cuisine se révèle être son domaine réservé, elle aime particulièrement recevoir des amis et préparer de bons repas, on se rend vite compte que le mari qui passait pour un pacha fuit la maison pour laisser sa femme tranquille.

Les femmes sont-elles capables de laisser les hommes faire la cuisine et le ménage ?

Les femmes ne peuvent pas à la fois se plaindre de tout faire et ne pas laisser la place aux hommes. Certaines pensent que nous vivons dans une société patriarcale, mais, avant la libération de la femme, un certain équilibre existait. Quand je repense aux femmes de ma familles de cette époque (grands-mères, arrière-grands-mères), je peux vous dire que ce n’était pas les hommes qui détenaient le pouvoir à la maison, ils ramenaient l’argent, certes, mais c’était les femmes qui tenaient le ménage. Par conséquent, je pense qu’il y a, souvent, un enjeu de pouvoir derrière le partage des tâches. Les femmes sont-elles prêtes à partager ce pouvoir dont elles ont hérité de leurs mères et à laisser l’homme prendre sa place et ses responsabilités au sein du foyer ?

Vivant depuis trois ans avec des hommes (2 en permanence, mais pas toujours les mêmes) et n’étant pas une fanatique du ménage, je peux vous dire que ce n’est pas chose facile. Il est vrai que se sentir la reine de la maison a du bon : on a l’impression que rien ne se ferait sans nous et, même si c’est usant, même si ça rajoute des soucis inutiles, même si c’est aliénant, c’est génial ! On a le droit de s’en plaindre tant qu’on veut !

Non, lâcher du leste n’est pas facile, et une des raisons à cela c’est que le seuil de tolérance vis-à-vis de la saleté n’est souvent pas le même pour les deux sexes. On le voit d’ailleurs très bien dans Desperate Housewives lorsque Linette trouve un travail et que son mari devient homme au foyer, elle ne le supporte pas et pète un plomb. Partager les tâches, c’est nécessairement faire des concessions, et ce, dans les deux camps. Et je veux ici porter témoignage en faveur des hommes qui sont capables d’apprendre ! Si si ! Et même de trouver des techniques inédites. Maintenant, évidemment, si on veut qu’une chose soit faite comme on l’entend, c’est comme pour tout, il faut le faire soi-même, mais pas question d’aller se plaindre après !

J’ai l’impression que partager les tâches est, certes, un choix à faire au sein du couple, mais qu’il ne peut se faire que si les femmes acceptent d’ouvrir la porte et de fermer les yeux de temps-en-temps.

Entre Cendrillons et Working-girls

Dans la soirée, mon colocataire, tout fier, me ramène un article qui révèle que, d’après un sondage Ifop, 50% des hommes sont pour le partage des tâches et que les hommes consacrent en moyenne dix minutes par jour aux tâches ménagères. Soyons donc optimistes et ouvrons les yeux sur l’homme moderne ! Ne lui tapons pas sur les doigts à chaque fois qu’il tente de nous aider ! C’est un coup à l’en dégoûter. Car si l’autre moitié de la gent masculine n’en a strictement rien à faire, on peut considérer que celle dont parle le sondage englobe trois catégories d’hommes que les femmes doivent apprendre à écouter : ceux qui savent faire et qu’on ne laisse pas faire, ceux qui ne demandent qu’à apprendre et ceux qui n’ont pas encore la motivation nécessaire pour franchir le pas.

La balle est dans le camp des femmes. Un équilibre millénaire est en train de changer. Et, soyons réalistes, nous ne sommes pas des Wonderwomen, nous ne pourrons pas tout assumer toutes seules, et si nous voulons avoir plus de poids dans la société, il va falloir que nous acceptions d’en laisser plus aux hommes – qui ne demandent que ça - dans notre foyer pour conserver l’équilibre.

Les œillades contre œillères

Quand on repense à l’état des choses dans les années 50-60, c’est un pas de géant qu’ils ont accompli en seulement quarante ans. A force de vouloir se battre contre les hommes, les féministes seraient-elles devenues aveugles et d’une telle mauvaise foi pour ne pas reconnaître ces progrès ?

3 Messages de forum

  • Gestionnaire des tâches ménagères

    20 avril 2008 17:57, par kriss
    Comme me l’a confiée très justement une amie de 65 ans, Lydia :"les femmes ont effectué en quelques décennies une révolution sans les armes et sans le sang.." en faisant en plus évoluer nos hommes.. c’est dingue comme on est trop forte !!! merci pour ton article
  • Gestionnaire des tâches ménagères

    27 août 2008 13:51, par tetue

    Oui, moi aussi je m’agace souvent de ces femmes qui se plaignent du peu de participation de leurs compagnons, alors qu’elles ne remettent pas en question leur obsession pathologique de la tâche...

    Il suffit de considèrer un instant l’éducation donné aux fillettes pour ne plus s’étonner : maison de poupée, aspirateur miniature, ateliers de confection déco, couture et maquillage, etc. tout cela les entraîne à être des maîtresses de maison chevronnées.

    J’ai personnellement eu la chance, enfant, d’avoir des jeux de toutes sortes. Mais j’aimerais bien voir mes neveux jouer à la maison de poupée (oh, scandale, leurs parents m’accuseraient de vouloir leur couper les roubignoles, si j’vous jure) et mes nièces aux petites voitures plutôt qu’à la ménagère (leurs parents m’accuserait d’entâcher leur féminité).

    Voir en ligne : http://www.tetue.net

  • Gestionnaire des tâches ménagères

    2 juin 2009 21:27, par Joe Higashi
    cet article est génial !! precis, interressant, est tres vrai dans une certaine mesure... on sent la grosse reflexion derrière tout ça.... et la plume et tres belle, parce que je me suis bien amusé a le lire !! ;0)

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