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Norah Jones, un ange passe...

lundi 10 novembre 2003, par Séverine Capeille

Le décor tourne au rythme de la musique. Les murs blancs en farandole. Tout est là. Le cabaret, les chaises en bois, la nuit et les fumées de tabac. Sur la voix de Norah. La paume des mains sur les joues. Le regard rêveur, un peu fou. On s’absente. Le quotidien s’efface. Parfois, peut-être, quelques anges passent...

Un peu de douceur

Come away with me. Alors on la suit. Il faut dire que Norah Jones emmène son public sur le chemin des mélodies, dans une échappée belle de sa voix éolienne. On rejoint la légèreté, le vent des soirées bleutées, cocktail, quart de soupir, tenue de sacré. On s’abandonne contre le tempo, dans un coup de croche au temps escroc. Les glaçons trinquent dans le velours d’un café, probablement mal éclairé. La rumeur s’estompe. Quelques gouttes d’harmonie font un ballet sur la vitre de notre esprit. On fuit. La voix de Norah Jones se pose sur les notes du piano, aérienne, impalpable, émouvante comme un cil échoué sur la joue. On ferme les yeux. Si fort que les couleurs se mettent à tourner, valser sur le saxo. Si fort que l’on visite les profondeurs de la douceur. Alors, on fait un voeu. Et puis on s’endort.

Agée de vingt-trois ans, cette jolie jeune fille berce les effluves de Jazz, de country et de soul. Sa musique porte des ambiances sucrées, nacrées, tamisées, flotte, tourbillonne, se développe sur les vieux clichés. Blues des trains que l’on voit défiler, des frissons singuliers, elle est gracieuse et fragile comme une feuille en automne que l’on voit tomber (Seven Years). Elle nous enveloppe dans sa nudité, simple, épurée, atmosphérique et accueille la voix gracile, les accents qui ricochent sur la nuit des grandes villes.

Joni Mitchell, Dina Washington, Laura Niro, Carole King, Billie Holiday, Nina Simone, Fiona Apple, Rickie Lee Jones... Les plus illustres noms sont évoqués pour qualifier les qualités vocales et les influences de Norah Jones mais elle se passe de références et se révèle vite unique. La fille du célèbre joueur de sitar Ravi Shankar s’écoute comme le bruit des vagues s’échouant sur du velours bleu (elle signe pour le label Blue Note) et s’élève au rang des talents mystérieux. La fille de la productrice de concerts Sue Jones brille par son authenticité, fait danser le piano dans un allegro de simplicité. La fille du Texas donne ses accords, prouve que son état n’enfante pas que la peine de mort. Avec son premier album, elle réussit d’emblée un coup de maître, s’imposant comme la révélation de l’année.

Dans un monde de brutes

Personne n’y croyait. Personne ne voulait y croire. La victoire de la belle sur la bête, sur le monstre sacré Bruce, sur le boss Springsteen. Personne, pas même la nominée : « Je n’aurais jamais cru que ma musique pourrait devenir aussi populaire », dira-t-elle en recevant l’un des trophées. En tout, ce sont cinq Grammy Awards que Norah Jones a remporté en 2003, dont ceux de « meilleure chanson » (Don’t Know why), « débutante de l’année » et « meilleur album » pour Come away with me. Elle triomphe face aux préjugés, face à la vulgarité (Britney Spears) et se réconcilie avec son père dans la foulée.

Dès lors, Dev Anand s’empare de l’affaire. Ce réalisateur indien entreprend de réaliser un film sur les retrouvailles de la petite famille, Song of life. Ce projet ne plaît guère aux intéressés qui expriment leur profond désaccord. A Norah Jones qui lui demande d’abandonner, Dev Anand répond par des séries de castings d’acteurs indiens et américains. A Sukanya Shankar - actuelle épouse de Ravi - qui annonce l’incohérence d’un film qui se fait en dehors de toute connaissance de la vérité, et sans que les membres de la famille soient consultés, le réalisateur rétorque qu’il ne fait « que les flatter ». Le scénario suit son cours...

Et la relève attend son tour. Lizz Wright, vingt-trois ans elle aussi, des parents qui lui inculquent très tôt l’amour de la musique (sa mère chante du gospel) et un premier album - Salt - qui fait beaucoup parler de lui. Brassant le soul, le jazz et le blues, la chanteuse démontre un juste équilibre entre la maturité et la fraîcheur. Eblouissante de beauté, baignée de spiritualité (son père est pasteur), elle soulève les émotions à leurs plus hauts degrés et certains osent déjà la comparaison avec Anita Baker. Il est fort probable que son nom soit cité pour les prochains Grammy Awards, sur la liste des nominés.

En attendant, Norah Jones, entre douceurs et brutalités, parcourt les nuances du clavier. Touches blanches et noires alternées, coups de coeur contre blues éthéré : c’est le swing de l’existence qu’elle foule du pied, le rythme de l’être qu’elle écrit. Ne dit-on pas que le jazz, c’est « le pouls de la vie » (André Maillet) ?


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