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Alexandre Grondeau, le tome 3 de « Génération H ». « Bons à rien sauf à vivre »

mercredi 19 juillet 2017, par Séverine Capeille

Le livre déjà culte "Génération H" est de retour dans les librairies quatre ans après la sortie du premier tome et deux ans après la sortie du deuxième tome ("Génération H, Têtes chercheuses d’existence") de la trilogie sociale écrite par Alexandre Grondeau. Entre temps le roman aura été attaqué par le CSA après le passage de l’auteur sur France Info et des libraires refusent toujours de le vendre.

Des manifestations et des festivals ont été organisés pour le défendre et ont réuni à chaque fois plusieurs milliers de personnes. Des clips de soutien ont été vus plus de 10 millions de fois sur YouTube et la trilogie a conquis près de 40 0000 lecteurs, le succès du livre ne se démentant pas. "Génération H, Bons à rien sauf à vivre" parle d’une jeunesse française dont la littérature a oublié l’existence depuis trente ans. Elle est insoumise, hédoniste, rebelle, fragile et explosive. Le roman est une plongée sans concession dans la France qui fume, un livre qui aborde la culture hasch de manière frontale et le quotidien mouvementé d’une bande de fumeurs et de bringueurs invétérés. "

"Génération H, Bons à rien sauf à vivre" raconte comment le cannabis est entré de manière irréversible dans la culture française, au même titre que le vin ou la bonne bouffe. "Sur la Route" de Jack Kerouac posait les fondations de la "Beat Generation" dans l’Amérique des années 60, la "Génération H" a elle aussi trouvé son livre emblématique.


Les deux premiers tomes nous ont donné l’occasion d’interviewer Alexandre Grondeau (ICI et ICI). Afin de varier les plaisirs, nous vous proposons de plonger au cœur du troisième tome par le biais de quelques citations que l’auteur nous fait l’honneur de commenter.

« Nous voulions vivre ou mourir, mais ivres et libres. Les skanks de guitare indiquaient la marche à suivre : refuser le formatage, la soumission, les compromis, adresser un gros doigt d’honneur au système et aspirer au fond de son âme la poussière d’étoiles qui nourrissait les têtes chercheuses d’existence. »

* C’est une jolie définition de la Génération H.

« Le nouveau millénaire débutait avec une armée de soldats désirant faire tomber musicalement les murs de Babylone. Le système érigeait ces derniers pour séparer les gens, les peuples, les familles. Ils divisaient pour asseoir leur pouvoir quand nos murs de sons, eux, rassemblaient les gens sans distinction de genre, d’origine, de classe, de religion. »

* C’est malheureux mais c’est vrai. Il n’existe qu’un seul system libre, tolérant et acceptable : le sound system.

« Les derniers gardiens de notre temple musical se tenaient droits comme des « i », fiers comme des hommes qui n’ont plus rien dans la vie que leur art pour crier leur désespoir et leur déclassement. »

* Il faut voir ces sound systems addicts londoniens pour mesurer à quel point leur combat musical est magnifique et honorable. Je suis heureux de leur rendre hommage dans ce tome 3 de Génération H.

« Nous étions les gosses d’en bas de chez vous, vos neveux, vos cousins, des jeunes cons, hédonistes et rêveurs, qui ressemblaient autant à des voyous que des hippies à des agents de circulation. »

* La Génération H est en effet remplie de Bons à rien sauf à vivre et de Têtes chercheuses d’existence ! Chaque jour notre nombre grandit.

« Du bla-bla, du rock dépressif, de la variété inaudible, du rap bling-bling, du classique poussiéreux, les ondes londoniennes n’avaient rien à envier à la bande FM métropolitaine. Comme en France, la radio britannique était la pissotière de l’industrie de la musique. Comme en France, elle avait pour mission d’éduquer au mauvais goût, au vulgaire, au facile. »

* Allume la radio pour t’en convaincre. Je n’invente rien dans Génération H.

« C’est ce qui est beau dans les soirées arrosées entre amis, c’est qu’elles vous avalent comme vous êtes et vous recrachent avec le crâne endolori mais rempli de souvenirs impérissables. »

* J’ai encore mal au crâne d’hier soir (rires)

« Les hangars désaffectés, les squats, les vieux bâtiments délabrés, les stations de métro en rénovation, les Catacombes, les terrains vagues, étaient les nouvelles zones de jeu des milieux alternatifs. Leurs lieux d’expression s’étaient déplacés, comme nos aspirations à la révolution. Du centre vers la périphérie, la géographie de la débauche et de l’autonomie cherchait à se fixer dans tous les interstices de liberté oubliés par Babylone. »

* De tous temps la résistance s’est organisée, hier comme aujourd’hui, et la Génération H est de ce mouvement-là qui n’accepte pas la fatalité du monde qu’on nous propose. On ne lâchera rien.

« C’était le temps de l’information gratuite, le règne du publi-rédactionnel, des matinales radiophoniques aseptisées et la médiocrité généralisée. Bien évidemment tous les journalistes n’étaient pas à jeter. Le système en gardait quelques-uns histoire de laisser bonne conscience aux plus exigeants. Mais qui lisait encore Le Monde diplomatique et les derniers journaux n’appartenant pas aux grands tycoons de l’industrie ? Une minorité ridicule qui regardait la société s’écraser à pleine vitesse contre un mur en béton construit par Bouygues, Vinci et Veolia. »

* Regarde les audiences d’Hanouna et des télé-réalités. Compare-les au nombre de lecteurs du Monde Diplomatique et dis-toi que tous ces gens votent à chaque élection. Il ne te reste plus qu’à pleurer ou à faire la fête. La Génération H a choisi son camp.

« L’industrie de la musique volait ses clients depuis des décennies et la modernité était venue les venger. Chaque nuit, une armée de mélomanes braquait Universal et Sony sans que personne ne le regrette. Ils s’étaient trop gavés, et désormais leur karma était grillé. L’Empire s’effondrait et avec lui le côté obscur de leur monnaie. »

* - (rires) Génération « Free music for Free People ». On ne se refait pas.

« Il fallait passer des permis pour conduire et pour chasser, pour porter des armes et pour pêcher. Il fallait réussir des examens pour valider ses études et trouver un métier, mais pour le truc le plus sérieux du monde, enfanter et éduquer après, là en revanche n’importe quel clampin pouvait s’y atteler… Il n’existait pas de permis de procréer, pas d’examen non plus pour devenir parents. La fonction éducation, probablement la plus déterminante sur la terre, celle qui pouvait permettre d’améliorer le sort de l’humanité, était totalement laissée à la portée de tout un chacun. C’était open bar pour tous les cramés de la terre, liberté absolue pour les tarés, les déséquilibrés, les irresponsables du monde entier. Et avec ça, il ne fallait pas s’étonner du merdier dans lequel on était. »

* Si tu veux comprendre pourquoi l’humanité part en couille, il suffit d’aller dans un jardin d’enfant et d’observer l’attitude de beaucoup de parents faisant mine d’éduquer leurs enfants et tout fier, en silence, de les voir se comporter comme eux n’ont jamais osé. C’est édifiant.

« A force de prohibition, de répression, de condamnations stupides et aveugles contre les stoners lambda, le gouvernement avait encouragé la population à pratiquer la culture d’intérieur et renforcé l’autoproduction. Il suffisait de compter le nombre de magasins d’hydroponie qui ouvraient chaque semaine dans notre doux pays pour s’en persuader. »

* La prohibition et l’hypocrisie de ceux qui la mènent aboutissent au résultat exactement inverse que celui que nos dirigeants souhaitent. Pour protéger les gens, on les éduque, on les prévient, on les instruit, on ne les punit pas de manière aveugle.

« L’underground était l’avant-garde sociale et culturelle de notre époque. Il émanait d’individus en marge refusant l’ordre établi et les conventions des médias mainstream. Il exprimait des normes sociales alternatives, des critiques radicales du système consumériste, une originalité par rapport à la culture de masse, des différences d’expression, d’expérimentation, de style de vie aussi, d’indépendance, d’autonomie, d’autogestion, de subversion. L’underground n’avait pas vocation à convaincre les foules, il existait pour lui-même, par lui-même et quiconque souhaitait le rejoindre était le bienvenu. »

* Et heureusement qu’il existe encore. C’est ce qui me fait croire encore à l’humanité et à l’avenir.

« Je ne croyais pas en Dieu, je ne croyais pas au retour à la nature. Je n’avais aucune confiance dans les vertus de l’argent et peu de sympathie pour les partie politiques, les syndicats, les Eglises. J’abhorrais les idées de monarchie, de théocratie ou de république populaire. Je ne croyais pas à l’idée de nation, ni à celle de patrie, et j’avais de gros doutes sur les principes de démocratie, de progrès et de civilisation. Partout autour de moi, je voyais plutôt des groupes d’hommes capables d’instrumentaliser les luttes sociales pour asseoir leurs intérêts. Depuis la nuit des temps, des individus plus malins que les autres se partageaient le monde et nous n’y pouvions rien. Ils étaient insaisissables comme les brumes matinales, mais eux ne disparaissaient pas avec l’aurore. Ils profitaient de nos faiblesses. »

* Je ne crois en rien d’autres qu’à l’idée de s’appliquer ses valeurs à soi-même. Je ne cherche à convaincre personne. J’assume ma vie et j’essaie de rester intègre, fidèle à mes valeurs. Je crois plus à la preuve par l’exemple qu’aux grandes théories.

« Il n’y a rien de pire que les certitudes des gens bien comme il faut. Ils sont fiers de leur inculture. Leur médiocrité se reproduit à vue d’œil sur la planète terre et le virus ne possède pas d’antidote. Les petits-bourgeois de droite et de gauche pullulent à vous donner envie d’inventer un contraceptif définitif. Ils sont aigris, envieux de ne pas avoir eu le courage d’assumer leurs désirs, jaloux de la liberté de ceux qui ont osé vivre différemment. La plupart des hommes se contentent de leur destin. Ils marchent dans les pas de leurs parents, s’en sortent grâce aux héritages accumulés à des époques où l’argent ne filait pas entre les doigts, et meurent comme des cons passés à côté de leur existence. Les grands bourgeois sont pires… »

* On a tous autour de nous des imbéciles prétentieux certains de détenir la vérité et donnant un avis à propos de tout. Ces gens-là sont à fuir le plus possible. Malheureusement on dirait qu’ils se reproduisent à vitesse grand V.

« Plus rien ne nous surprenait, nous étions les enfants transgressifs et sans limites de parents démissionnaires préférant aller s’éclater au Club Med comme des adolescents attardés plutôt que de jouer aux papa et maman responsables. »

* Nos parents nous laissent un pays criblé de dette, une société consumériste abjecte qu’ils ont construites et dont ils ont profitée, une terre qu’ils ont détruits sans aucune limite et il nous demande de payer l’addition… en même temps que leurs retraites. C’est à se demander qui sont les enfants irresponsables non ?

« Le reggae était une belle musique universelle, certainement pas reconnue à sa juste valeur dans notre pays. En France, elle n’avait pas de radio dédiée, les magazines se comptaient sur les doigts d’une main et elle se diffusait essentiellement via Internet et la culture sound-system. »

* Le reggae dérange parce que c’est une musique rebelle et subversive qui ne se soumet aux modes actuelles et au capitalisme qui régit notre quotidien. Voilà pourquoi on n’en parle pas, ou si peu, dans les médias mainstream.

« Nous étions prisonniers d’une matrice invisible capable de nous vendre notre esclavage libéral comme de l’émancipation sociale. »

* Voilà bien tout le problème, l’humanité accepte l’asservissement qu’on lui vend sans broncher comme si devenir des moutons était une fatalité.

« Les écrivains faisaient leur travail en explorant les tréfonds de l’âme humaine et sa digitalisation. Les philosophes, eux, avaient raté le tournant de la modernité en passant leur vie à commenter l’histoire des idées sans se rendre compte que demain les enterrerait s’ils ne parvenaient pas à comprendre les enjeux de la contemporanéité. Ils préféraient se cacher dans leurs bibliothèques, repassant leurs chemises blanches, repeignant leurs crinières brunes, se gaussant de leur supériorité et la renvoyant à la tête de leurs étudiants. Les auteurs de science-fiction étaient devenus les derniers prophètes d’un monde à bout de souffle. »

* Je crois effectivement qu’on a plus de chance de comprendre le monde dans lequel on vit et celui qui se dessine en lisant Asimov et Philip K. Dick que BHL ou Finkielkraut. A chacun des références…

« Tant qu’on passerait autant de merdes dans les boites de nuit, qu’il y aurait des physionomistes pour décider de qui rentrerait et de qui ne rentrerait pas, que la bouteille de rhum coûterait deux bras et deux jambes, que les videurs joueraient aux gros bras écervelés, les sound systems resteraient le meilleur endroit, et de loin, pour délirer avec ses potes dans une ambiance festive et décontractée. Voilà peut-être ce qui dérangeait l’Etat et le lobby des patrons de clubs : les free parties et les sounds étaient autant d’endroits où se réunissait un public qu’ils ne pouvaient contrôler et transformer en bons petits consommateurs bien éduqués. »

* Les gouvernements n’arrivent pas à gérer le pays, comment pourraient-ils nous expliquer comment gérer nos soirées ? A un moment il faut savoir rester lucide et à sa place, qu’ils nous foutent la paix, on ne leur demande rien d’autres.

« C’est en parlant de manière responsable des vertus et des dangers du cannabis que l’on pourrait identifier les personnes fragiles qui ne devraient pas en consommer. L’interdit et les tabous encourageaient les excès, comment le pouvoir en place pouvait-il l’ignorer ? Il fallait engager un dialogue entre adultes afin de pouvoir s’entendre sur l’évolution des mœurs et des pratiques de chacun et ainsi éviter des accidents cannabiques qui pouvaient exister. »

* Tant que la Génération H sera considérée comme irresponsable et infantilisée, les choses ne pourront pas avancer. Il faut que les gouvernements nous considèrent comme des adultes et des citoyens capables d’assumer notre mode de vie sans faire de mal à personne…

« On devait se l’avouer. Ils étaient des millions dans le pays à désirer que tout continue comme si rien ne s’était passé, comme si une partie des classes populaires n’était pas en train de crever la gueule ouverte sous les coups de boutoir de l’internationalisation de l’économie, comme si la petite classe moyenne française n’était pas en voie de déclassement total, comme si une partie des immigrés et des enfants d’immigrés n’étaient pas victimes d’un racisme d’Etat latent et pernicieux, comme si le monde ne nous échappait pas à mesure que les technocrates et les businessmen se l’appropriaient et nous le rendaient plus complexe. »

* Si les choses ne changent pas pour nous, c’est bien qu’elles profitent à quelqu’un non ?

« Nous étions les dindons de la farce. Les experts parlaient sentencieusement de générations sacrifiées pour désigner les pauvres types qui avaient supporté dès leur naissance les joies de la crise, du sida, de la malbouffe, des cancers, du déclassement des professions artistiques et intellectuelles, des délocalisations, de la télé-réalité, de l’obésité et de manière transversale de la connerie généralisée. »

* Nous sommes les enfants de la crise, né dans un système par essence anxiogène. Comment dans ce cas-là peut-on nous reprocher de vouloir profiter au maximum de la vie ?

Alexandre Grondeau propose un riddim produit par Kubix Guitsy et un premier BIG TUNE de SAEL offert à tous les lecteurs du roman Génération H tome 3.

FAITES TOURNER AU MAX !!!

www.generation-h.fr


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