mardi 20 mai 2008, par Mireille Disdero
C’est un supermarché de poche ouvert le soir. Une femme fait la queue à la caisse, après un homme au caddy plein. Pour occuper son attente, elle commence à observer celui qui la précède. La quarantaine. Un visage marqué mais bien dessiné. Des mains longues et le corps nerveux. D’un geste rapide, il range ses achats devant la caissière avec l’air affairé de celui à qui on ne la fait pas. Lasagnes, coquillettes, Tagliatelles. Puis des kilos de riz. Rond, long, incollable, de Camargue et Basmati. Pas de vin. Oh, il a des enfants, pense-t-elle en souriant. Céréales, chocolat, crème brûlée et tiramisu... Tiens, il achète des coupelles bleu lavande. Dans sa famille c’est lui qui choisit pour les couleurs aussi... sûrement.
La femme commence à regarder ailleurs, la nuit, le silence après, quand elle sortira de la voiture, quand elle aura claqué la porte de sa maison sur ses pieds nus, dans l’entrée. Elle pense à tout ça et à son face à face avec elle-même, plus tard. Tout à coup l’homme se retourne. Passez s’il vous plaît. Elle ne fait pas attention, absorbée dans ses pensées. Mais vite elle répond. Vous croyez ? Il insiste. Je vous en prie, vraiment ! Alors elle pose son dentifrice devant la caissière. Bonne soirée, à demain. En quittant le supermarché, elle dit merci en se tournant vers lui. Et là, pendant qu’elle file vers le silence de sa maison, l’homme lui adresse le sourire doux et caressant qu’elle n’avait plus revu depuis son enfance.
Il avait huit ans, comme elle.