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Violette Leduc : La laide inspirée.

vendredi 7 janvier 2005, par Franca Maï

C’est dans un grenier - à l’âge de 13 ans, en farfouillant dans des piles de livres laissés à l’abandon et à la curiosité du destin- que vous découvrez Thérèse et Isabelle un roman de Violette Leduc.

Soudain, les champs épousant la platitude et l’ennui, s’habillent de mille lucioles crachant une flamme essentielle : l’émoi.

Vous comprenez alors que le désir n’a ni sexe, ni morale. Il est furieux. Il vit au-delà de l’entendement. Serti de frénésie aux flagrances de scandale et aux battements d’un coeur rendu fou.

La barrière éventrée de la Passion s’épingle dans chaque parcelle de votre chair. Vous volez dans les sphères de l’interdit.

Vous apprenez, quelques syncopes plus tard, en découvrant toute l’oeuvre de Violette Leduc que le roman Ravages -première version de Thérèse et Isabelle- fut censuré par la respectable maison Gallimard par crainte de poursuites pénales et vécu par l’auteure comme un « assassinat littéraire ».

Ce roman amputé, racontait les amours sulfureuses de deux collégiennes dans un pensionnat de Province. Il abordait le thème de l’homosexualité. Violette Leduc osait braver les années cinquante.

Incomprise de ses contemporains, elle fut néanmoins défendue avec élégance par Beauvoir et Genet qui la reconnut comme « sa soeur en littérature ».

Beauvoir, la cérébrale de glace et Violette Leduc l’intuitive de feu -curieuse complicité que ces deux écrivaines- en état de grâce et de partage.

Née en 1907, Violette Leduc s’échappa de l’écorce terrestre en 1972.

Témoin et actrice de l’évolution de la condition féminine sans toutefois s’impliquer dans la lutte des femmes, elle ouvrit néanmoins par son oeuvre dense -d’une authentique sincérité- la voie royale à une nouvelle écriture. Elle osa passer derrière le miroir avec rage et fourmillement.

L’évolution des mentalités venait de planter ses racines, implacablement.

Très laide et dotée d’un caractère réputé impulsif par ses sautes d’humeur, cette femme d’une sensibilité exacerbée, connue la souffrance d’être née bâtarde.

Sa mère fille-mère et domestique d’une famille aisée fut renvoyée sur le champ lorsque cette dernière prit connaissance de la maternité illégitime.

Deux hommes marquèrent Violette Leduc dans sa vie d’adulte, Maurice Sachs et Jacques Guérin, représentant les doubles du père inconnu.

Les Editions Gallimard ont publié en l’an 2000, dans sa version intégrale, le roman Thérèse et Isabelle.

Violette Leduc sous terre, depuis déjà 28 ans et bouffée par les lombrics, n’a donc pas connu l’émotion de toucher son recueil abouti, vivante.

Mais lorsque je lui ai glissé le livre dans sa tombe. Elle a souri. Puisque je vous le confie !....


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