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Je m’appelle E

jeudi 5 mars 2015, par Séverine Capeille


Quand je pense qu’un écrivain m’a totalement supprimé de l’un de ses livres…
Quel toupet !
Moi qui me croyais à l’abri. Moi qu’on ne retrouve pas moins de quinze fois dans le jeu du scrabble - un record absolu - il a fallu que ça me tombe dessus. Cet olibrius de l’OULIPO m’a carrément fait disparaitre ! Moi qui me donne la peine de revenir une fois toutes les six lettres ! C’était en 1968. Une sale année, si vous voulez mon avis. Je ne m’en suis pas encore remis. Je garde encore le souvenir de ces descriptions de moi, sous la forme d’un trident ou d’une patte de canard. Je fais encore des cauchemars. Moi qui suis l’Élégance. Moi qui porte tous les accents avec la même prestance. Tous, jusqu’au tréma ! Qu’est-ce que vous dites de ça ? Même pour Noël, on a besoin de moi !
Quel ingrat !
Alors bien sûr, on me dira qu’il y a eu, quelques années plus tard, «  Les Revenentes ». Oui, ça, j’aurai droit au discours. Comme si ça pouvait me consoler ! Le mal était fait. Et ce récit qui me remettait trop exagérément à l’honneur n’a pas marqué les esprits. Je le sais. Je le vois à la façon dont les autres me regardent désormais. Je ne suis plus irremplaçable. La vie sans moi peut continuer. Et pourtant… Pourtant, même à l’oral, je suis là, toujours en premier. Je me place entre deux mots, entre deux phrases, je donne le temps de cogiter. Je suis le seul, l’unique, à être le plus spontané en cas d’hésitation. J’arrive sans réfléchir. Oui, cette idée me rassure : nul ne pourra jamais m’éliminer complètement d’une conversation.

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