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Gabrielle Wittkop

La divine vénéneuse

samedi 4 décembre 2004, par Franca Maï

Comme Gabrielle Wittkop revendiquait de vivre en « homme libre », elle a choisi sa mort en se suicidant à 82 ans.

Née en 1920 à Nantes, cette auteure étrange, a agenouillé la faucheuse le 22 décembre 2002 à Francfort dans le silence de son quarante mètres carrés, quelques jours seulement avant que la bouche édentée de la mère Noël, ne répercute dans les cheminées, les rires d’enfants qu’elle détestait.

Auteure d’une oeuvre non volumineuse -dérangeante au-delà de toute morale- cette femme sophistiquée, laisse derrière sa chair et ses os, une écriture d’orfèvre, ciselée, pointue, cruelle entraînant le lecteur vers des rives d’une sensualité macabre. Sa constance à déterrer l’inavouable des désirs enfouis relève de l’empathie implacable ainsi que d’une grande curiosité des tourments humains. Derrière le miroir.

Au décès de sa mère -à ses six ans- elle fut élevée par un père fantasque . Elle aima et séduisit des femmes dans sa vie d’adulte, sans jamais pouvoir vivre avec une, les désignant avec une « misogynie » affichée, comme mollassonnes et passives . Elle leur préféra Justus, un homosexuel Allemand avec lequel elle vécu quarante ans, qu’elle cacha pendant la guerre avant de l’épouser et de le suivre en Allemagne. Cet amour interdit lui fit perdre sa magnifique chevelure puisque qu’elle subit l’opprobre de la « tonte ».

A défaut de progéniture qui lui provoquait des allergies, elle accoucha, d’une dizaine de romans et recueils de nouvelles, dont son livre culte « le nécrophile » où l’amour physique de Lucien pour les cadavres entraîne paradoxalement leur décomposition accélérée. Une exploration des entrailles de l’âme humaine, sans concession. L’amour dépourvu de limites. Le droit aux derniers spasmes voluptueux des allongés livrés à la terre et aux lombrics.

Telle une fleur vénéneuse et rare, dont on sait que le poison s’infiltrera en nos veines, Gabrielle Wittkop a eu l’élégance et la pudeur de placer le lecteur en position de manque.

Dans cette littérature aseptisée et formatée qui s’affiche chaque année sur les étals des libraires, la prose de la Divine Wittkop, est une cicatrice béante.


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