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M... pour l’orchestre poétique d’Avant-guerre (O.P.A)

samedi 15 mai 2010, par Franca Maï


Franca Maï : Raconte-nous la genèse de ton dernier album.

M... : « Odette », un label bordelais, nous a proposé deux jours d’enregistrement au studio de la rockschool Barbey pour nous produire une maquette de cinq titres. Comme nous faisons de l’improvisation, il était impossible de ne pas jouer tous en même temps. Alors, nous avons déjà passé une bonne demi-journée à réfléchir afin de résoudre ce problème et à poser le matériel. D’autant que nous faisions de l’électrique et de l’acoustique. Le deuxième jour, tout était prêt : moi dans la cabine avec l’ingé son et un casque sur les oreilles pour entendre les musiciens et eux, en studio avec ma voix dans les hauts parleurs. Au bout du compte, nous avons enregistré 17 titres en trois heures de temps. Nous en avons gardé une douzaine.

Quel est ton morceau préféré ?

C’est difficile à dire parce que chaque titre a une couleur bien à lui et pour moi, en plus, reste le souvenir de ce moment partagé. L’album est rattaché à un point précis et le fait que la plupart de ces morceaux n’existent et n’existeront que parce qu’ils ont été saisi là, en l’état, font que j’ai de la sympathie pour chacun d’eux. Mais j’avoue que je suis assez bluffée de l’improvisation que nous avons faite du « Bateau Ivre » de Rimbaud. J’aime aussi beaucoup « Personne ici ». J’avais écrit ce texte à propos de Chirac mais finalement, il colle beaucoup mieux à ce que nous vivons aujourd’hui. Et c’est une chanson positive.

Peux-tu nous présenter tes musiciens ?

L’Orchestre Poétique d’Avant-guerre se renouvelle régulièrement. Seule la moitié des musiciens présents sur l’album jouent actuellement avec moi. Encore une fois, ce que nous privilégions dans O.P.A, c’est l’amour, l’amour à faire les choses ensemble, l’amour à donner et à recevoir. Quand celui-ci n’est pas présent, la technicité, le talent-même, ne peuvent pallier. Pas dans un projet comme celui-ci où nous nous ne pouvons qu’être authentiques dans cet élan qu’est l’improvisation. Avec les musiciens avec lesquels j’ai la chance de jouer aujourd’hui, l’amour est là et circule bien entre nous. Sur scène, vous trouverez donc Max la Menace à la batterie et les Frères Pétards à la guitare et à la basse. Sur l’album, en plus des Frères Pétards, il y a Mario à la batterie, Raphaël à la guitare et Stéphane aux saxophones.

Comment naît une chanson ?

O.P.A, c’est de l’improvisation totale, dans le sens où nous ne répétons jamais, où nous ne faisons que des concerts, sans playlist. Il y a bien évidement des choses qui reviennent, un texte déjà entendu, une mélodie mais pas forcément les deux ensemble et surtout cela ne constitue jamais qu’une infime partie d’un concert dont nous ne savons rien au moment où nous le commençons. Pour qu’une chanson naisse, il faut que l’un d’entre nous fasse une proposition. Je peux partir seule avec un parlé/chanté, ou bien un des musiciens lance une idée. Chacun alors, à l’écoute de soi et des autres, s’en saisit et l’accompagne. Cela demande une certaine concentration et à la fois un total lâcher prise. Nous agissons aussi en interaction avec le public. Ses vibrations, l’énergie qu’il nous renvoie influencent énormément la tournure d’un concert, toujours unique donc.

Nous en avons fait plus de 70 l’an passé.

A raison d’une moyenne de 10 chansons par concert, nous avons un répertoire assez étendu mais éphémère. Avec évidement, du déchet mais c’est le risque. En tout cas, sans lassitude.

Penses-tu que l’engagement militant aide à ouvrir les cerveaux ?

Oh ! lalala ! Quelle bien vilaine expression (rires) J’espère que je n’ouvrirai jamais un cerveau, c’est dégoûtant :+) !

M’enfin, je crois saisir le sens de ta question et non je ne crois pas que l’engagement militant aide à ouvrir les cerveaux.

Il y a tant de raisons qui font que les gens « s’engagent » et elles ne sont pas toujours bien humanistes. L’égo est là. Il y a aussi des tas de raisons qui font que les gens ne s’engagent pas et on peut les comprendre. Cela ne sert à rien de les culpabiliser. Ce n’est pas parce qu’on a l’impression que les gens ne sont pas engagés qu’ils ne le sont pas ou qu’ils ont le cerveau fermé. Nous avons tous à apprendre les uns des autres. Personnellement, je ne milite pas pour « ouvrir les cerveaux », je serai bien prétentieuse de croire cela alors que je ne sais même pas si le mien est vraiment ouvert. Je ne milite pas pour servir d’exemple, pour montrer une voie, car si elle existe - et elle existe ! - , c’est collectivement que nous la trouverons. Je fais ma part, comme le colibri de la fable, pour les enfants, pour essayer de donner confiance aux gens.

Et pour nourrir ce lien fraternel sans lequel je dépéris.

Tes prises de position t’apportent parfois des réactions violentes, comment vis-tu cette mise en danger ?

C’est-à-dire que je n’ai pas l’impression de me mettre en danger, ta question-même me surprend d’un premier abord. Maintenant si je fais un petit bilan de ces deux dernières années, ça donne : mon ordinateur trafiqué par des inconnus, mon adresse mail perso piratée, l’adresse mail d’O.P.A piratée, le premier myspace du groupe piraté, le site d’infos que j’administrais au sein d’Hacktivismes piraté et pour finir bien sûr mon cassage de gueule par les flics lors d’une manif en mars 2009. Oui, c’est vrai, ça fait beaucoup.

Suis-je pour autant en danger ? Je ne crois pas, du moins pas plus que celles et ceux qui essaient de remuer un peu la merde.

Ceci dit, j’ai mis beaucoup de temps à me remettre des coups portés par la police et les séquelles sont profondes.

C’est un véritable traumatisme qui a changé, radicalement et pour longtemps, beaucoup de choses en moi et autour de moi.

Je ne suis plus la même et je ne saurai te dire précisément ce qui est différent. C’est quelque chose de diffus et de permanent, une ombre sur ma face. Mais voilà, je suis de nouveau sur le champ de bataille et bien vivante. Alors à part une balle dans la tempe ou une bonne séance de torture, je ne vois pas ce qui va me freiner (rires).

Ta vie de femme est-elle conciliable avec ta vie d’artiste engagée ?

Ben disons que forcément, hein, sinon je péterai les plombs (rires). Ce que je veux dire, c’est que de moi à moi, je me sens en accord avec mes convictions, et j’ai du mal à distinguer ma vie d’un côté mon « engagement » de l’autre. Je suis quelqu’un d’assez entier. D’un point de vue plus intime, je crois que ce n’est pas facile pour les gens qui ont partagé ma vie. Je suis peu disponible et j’ai en plus besoin de grands moments de solitude pour créer, me ressourcer. Je crois que le fait d’écrire est encore plus « empêchant » que le fait d’être engagée.

Comment perçois-tu l’avenir de cette société ?

Je suis radicalement optimiste. J’ai une foi simple et quasi animiste, et je crois effectivement que l’Amour peut triompher du pire.

Je ne dis pas que cela va être facile, cela ne l’est d’ailleurs déjà pas mais j’ai confiance dans le genre et plus encore dans la Nature, la terre mère, l’univers qui nous obligeront à retrouver des valeurs simples et qui, quoi qu’il arrive, nous survivront. Ces valeurs simples, ce ne sont pas seulement des valeurs politiques mais aussi et surtout des valeurs spirituelles. Quand nous mettrons de nouveau de l’Amour dans chacun de nos gestes, dans chacun de nos mots, dans nos pensées, nos intentions, alors nous aurons retrouvé le sens premier de la vie : nous sommes ici de passage mais nous laisserons une empreinte.

Les puissants sont de plus en plus obscènes et arrogants et nous unissent malgré eux par les injustices et le mépris que nous vivons tous et toutes chaque jour. Je ne suis ni légaliste, en tout cas pas au vue des lois qui nous régissent actuellement, ni réformiste. Cette société n’a pas besoin de changement, elle a besoin d’une métamorphose. Il faut vouloir la joie et bonheur.

De toute façon, si nous ne faisons pas le choix de l’Amour, nous aurons la guerre.

Penses-tu que les droits de la femme ont régressé ?

Les droits des femmes, les droits des hommes, les droits des enfants, les droits des vieux, les droits des étrangers, tous les droits de tout le monde ont régressé. L’Etat dans lequel nous vivons est le pire que nous ayons eu depuis Vichy. L’Etat Français est un état raciste, autoritaire, paranoïaque et suicidaire. C’est maintenant les années sombres, les années de plomb. Mais elles ne dureront pas.

Quel est ton rêve en ce moment ?

J’aimerai me rendre au Mexique, à la rencontre de toutes ces communautés qui re-vivent l’autonomie alors qu’ils subissent une dictature sans frein.

Au-delà la lutte, je perçois là bas des spiritualités proches de la mienne.

Alors qui sait ? Un jour, j’irai poser ma carcasse vers le pays Chiapas. Cette autonomie, je la rêve aussi ici, dans cette France où il y a partout des gens qui inventent et qui créent.

***

Pour info :

Pour joindre O.P.A :
orchestre.poetique.bx@gmail.com
06 13 65 21 19

Le myspace du groupe

Album « Live Alone Studio Barbey » écoute et téléchargement gratuit

Diffusé sous licence Creative Commons : copie, diffusion, sample autorisés sans restriction.

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Extrait

Gueule Cassée

1er Juillet - 23 novembre 2009

Alors vint l’Epoque où nous avons marché en rasant les murs, où des chiens de gardes traînaient à chaque coin de rue, où nos regards devinrent obliques, où la peur découvrit nos lâchetés et nos limites, notre nudité désarmante.

A un bout, le désespoir attendait que je lui livre une dépouille, la mienne, en implorant.

A l’autre, la peau sans anicroche rattachée au sens premier de la vie, à l’évidence et à la simplicité, au plaisir et à la joie.

C’est d’ici que je devins phénix et chimère, c’est d’ici que déracinant définitivement, je pris note de l’ego et pris soin de le redresser.

Paroles d’Usul Première sourate du Septième Livre - « La Métamorphose ».

(re) découvrir Myriam Eckert une graine lumineuse


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