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Argent, pas content

mardi 17 juillet 2007, par Marlène T.



- " Putain de pognon… "

- " Ouais ! "

- " L’argent, pour moi, ce n’est qu’une foutue bactérie. Le parasite qui bouffe l’espèce humaine par le trou du cul. Le ver solitaire de la civilisation. S’il n’y en a pas assez, au mieux on stresse en fin de mois, au pire on se trouve un pieu en carton. S’il y en à trop, on se transforme en vampire. Encore, encore, toujours plus. Et voilà l’homme devenu monstre prêt à sucer la dernière goutte vitale de son prochain. L’argent est la pire des drogues. "

- " L’idéal serait que chacun en ait juste assez… "

- " Et voilà. La phrase est lâchée ! Reste maintenant à définir ce juste assez. Y’a-t-il une norme à ce juste assez ? Un poids, un taux, un montant commun à tous ? "

- " Juste assez pour ne pas avoir à compter tout le temps si tu préfères. "

- " Ne pas avoir à compter… Ca veut tout et rien dire. Regarde. Je passe devant une vitrine. Sympas ce blouson. Je l’achète. Demain c’est la St Francine. Je fais livrer un bouquet à ma mère. On ne lésine pas sur la qualité pour maman : cinq cent francs livraison comprise. Argh… satanée voiture ! Encore en panne. Décidément ça n’arrête pas. Il m’en faut une nouvelle le plus vite possible. "

- " Ok, t’as raison, je vais préciser ma pensée. Pour moi, l’idéal serait que chacun ait au moins juste assez pour s’offrir le minimum vital plus quelques petits plaisirs. "

- " Ah, le minimum vital. Attention, tu t’aventures en terrain glissant là… Parce que, tu l’auras sans doute remarqué, l’argent, non seulement perverti l’homme, mais altère aussi sa perception du nécessaire et du superflu. Une femme de médecin prenant rendez-vous pour son troisième lifting juge cette dépense aussi nécessaire qu’une ouvrière qui rempli son caddy au supermarché pour nourrir ses enfants. Tu saisis le fond de ma pensée ? Les besoins vitaux se transforment avec l’épaisseur du portefeuille."

- " Non, c’est faux. Quand je te parle de minimum vital, je te parle du vrai nécessaire. La même base pour tout le monde. Se loger, se nourrir, s’habiller, pouvoir payer ses factures et éventuellement s’offrir un minimum de loisirs. "

- " J’avais bien compris. Mais ce que tu me dis ne change rien à ce que je t’explique. Reprenons l’exemple de cette pauvre mère de famille. Elle loue un appartement miteux dans une banlieue grise. Elle nourrit sa famille de conserves bon marché. Ses trois enfants partagent la même chambre et ont une garde robe de seconde main. Pourtant, comme tu dis, ils ont un toit, des repas, des vêtements, ils payent presque toujours leurs factures dans les délais mais il faut limiter les coups de téléphones qui coûtent chers et ne pas trop pousser le chauffage l’hiver. Ils se permettent même le luxe d’avoir une télévision, acheté sous le nom d’un ami et payée en liquide pour ne pas avoir de frais de redevance. Ils s’offrent presque tous les ans des vacances à crédit qui leur coûtent, au bout du compte, trois fois plus que le prix initial. Bref, ils ont la belle vie si on les compare à pire. Parce qu’on peu toujours trouver pire que soi. C’est le luxe de la civilisation moderne. "

- " Mais tu prends un cas extrême là ! "

- " Non. Malheureusement, non, ce n’est pas un cas extrême. C’est ce que j’ai vécu quand j’étais môme, et je te garantis que l’extrême, on ne l’imagine même pas ! "

- " Oui mais… "

- " Tu veux un autre exemple ? Le voici : Monsieur est PGD d’une multinationale. Il vie dans une villa à la campagne. Tout juste une heure de route de Paris, mais il a un chauffeur exceptionnel ! Malheureusement il ne profite que très peu de cette résidence parce qu’il se trouve la plupart du temps dans son somptueux appartement du 16ème arrondissement, pour des besoins professionnels. Evidement il est souvent en déplacement à travers l’Europe. Il possède donc un petit cinq pièces à Londres et un duplex à Copenhague. Ailleurs, il prend une suite à l’hôtel. Madame est fort occupée, elle aussi. Elle est secrétaire générale bénévole - et oui ! - de l’association Mesdames vous vous emmerdez quand vos maris bossent pour gagner les millions que vous n’arrivez pas à dépenser alors venez poser vos culs trop bien nourris et liposuccées dans nos fauteuils et nous bavarderons de nos problèmes. Un genre de réunion Tuperware pour bourgeoise où les boites à malices sont dorées à l’or fin et servent à écraser des mégots pleins de rouge à lèvre de chez Dior. Bref, elle n’a pas de temps pour la cuisine - c’est traiteur ou restaurant - ni pour le ménage - c’est la bonne qui le fait, ils la payent assez cher d’ailleurs - et encore moins pour faire les comptes et payer les factures - mais heureusement il y a le dévoué comptable.

- " C’est… "

- " C’est quoi ? Je sais, tu vas me dire que ces deux exemples sont aux antipodes l’un de l’autre. Tu as raison ! Maintenant, devine qui se plaint de payer trop d’impôts ? Qui peste contre cette société de consommation qui n’épargne personne ? Qui essaye systématiquement et désespérément de grappiller quelques francs par-ci par-là ? "

- " … "

- " Ce que j’essaye simplement de te montrer c’est que la vision des choses n’est pas la même selon la hauteur du tas de billets sur lequel on est assis. L’argent, quoi qu’on en dise, contamine tout ce qu’il touche. Et, bien que nous nous croyions tous différents des autres et souvent mieux il faut l’avouer, nous serions tous, à différents degrés, pervertis par l’argent. La seule vérité que je connaisse est : plus on en a, plus on en veut ! Et je n’ai malheureusement pas l’honneur de prouver que je suis différent… "

Et voilà… Je deviens complètement dingue. Je me mets à me parler à un personnage imaginaire. Il faut que j’arrête. Il faut que je me fasse la belle avant qu’on me fasse la peau. Partir ou pourrir il faut choisir ! Alors, adios télévision qui brouille la vision, adios canapé défoncé, adios appartement étriqué, adios petit confort miteux qui ramollit les pensées, adios petite vie sage dans son cocon tout gris. Aujourd’hui le ciel est sombre mais il y a du soleil dans ma tête. Aujourd’hui ma vie bascule et tant pis si c’est dans la folie du moment qu’elle est rose. J’ai décidé de dire au revoir à ce royaume ou la monnaie est reine. J’ai décidé de vivre autrement. Comment ? Je ne sais pas encore. Mais ne me dite pas que c’est impossible. On ne me l’a pas encore prouvé. Ni que je suis fou. Je le sais déjà. Je n’y arriverais peut-être pas mais j’aurai au moins tenté quelque chose. Et si la seule façon de vivre hors de ce foutu règne de l’argent tout puissant c’est d’être mort et bien… Laissez moi vivre mort, merde !

Ah ah ah… Le spectacle vous a plut ? Une petite pièce s’il vous plait m’sieur dame !

Au fait, j’allais oublier, ce matin, par désœuvrement peut-être, je n’en sais rien, ne me demandez pas pourquoi, j’ai acheté et gratté un ticket de loterie. La suite vous ne la devinerez jamais. Si ? Et oui, il était gagnant ! Le maxi super gros lot. Alors j’ai pas pu résister… Je l’ai jeté sur le trottoir. Que vois-je ? Des regards surpris, des mines horrifiées ? Pourquoi ai-je fait cela ? Mais parce que je n’avais pas envie de devenir un gros connard de plus sur la planète ! Vous ne me comprenez pas ? Tant pis pour vous, vous êtes plus à plaindre que moi !

Et j’espère que le Gégé en fera bon usage…


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