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Démo Cratie

mercredi 1er octobre 2003, par Séverine Capeille

Cratie n’a pas d’âge. Elle n’aime pas, comme bien des femmes au-delà d’un certain délai (rides, cheveux blancs… n’importe, mais découverte brutale et irrémédiable) évoquer l’année de sa naissance. On ne saurait dire si elle porte du noir pour signifier un deuil (des illusions ?) ou s’il s’agit d’un costume pratique pour affiner sa silhouette, mais elle semble encore jeune et fragile. Quand on la croise, elle joue la coquette et semble plutôt équilibrée, mais on ne tarde pas, en la côtoyant un peu, à mesurer l’ampleur de ses traumatismes et de ses fuites.

Car Cratie fuit. Elle parcourt le monde en baskets Nike et change de mec comme de soutif Wonderbras. On la retrouve là où on ne l’attend pas : assise aux côtés d’un Mobutu pour un dîner de réveillon, en vacances à Cuba et fumant le cigare… Parfois elle s’égare. Cratie a ses raisons que la raison ne connaît pas.

Cratie aime dire qu’elle est « de gauche ». Ca la rassure. Elle est tolérante et, faisant escale en Argentine, en Uruguay ou au Chili, elle ferme les yeux sur les petits travers des vieux croulants du pays (pardonnez-leur, ils ne savent plus ce qu’ils font).

Munie d’un petit caméscope, on la retrouve sur tous les fronts : foulant le pavé, enthousiaste pour toutes sortes de libérations (Ah, l’Irak, quel beau pays ! ) ou dans le sable, prête à diffuser l’information (Ah, l’Irak… ). Bref, Cratie visite le monde. Et comment lui en vouloir ? Il y a tant de choses à voir. Surtout en campagne et dans les bordels thaïlandais.

Tous ces enfants à photographier, toutes ces coutumes si typiques… Elle aime surprendre et abolir les clichés (« ceux qui ont de grandes idées sont ceux qui ont le pétrole »). Elle fricote avec le danger et, au risque de se faire passer pour ce qu’elle n’est pas, on peut la voir aux côtés des guérillas en Amérique du Sud ou ailleurs, on peut la surprendre bras dessus bras dessous avec des représentants sociaux… Elle se déguise parfois : avec un casque (bleu) elle porte une croix (rouge) sur son habit noir. Mais on la préfère en tenue de soirée, sexy et provocante, dansant son humanité sur un sol marbré, une fois par an à Monaco.

Mais tout ça, c’est depuis qu’elle a perdu Démo. Enfin « perdu » n’est pas vraiment le mot. Elle ne l’a jamais connu. Telle un mythe, un conte ou une légende, Cratie n’existe que par les épreuves qu’on lui inflige. Elle boite un peu sur son oedipe. Elle court après sa moitié, qu’elle voudrait séduire dans un commerce équitable. Sacrée Cratie ! Ne sait-elle donc pas que c’est Démo qui fait l’habit ? Elle peut bien chercher dans toutes les manufactures sans machines ou dans tous les entrepôts chinois, Démo lui file entre les doigts.


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