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Taiwan

lundi 3 avril 2006, par Cathy Garcia

Taipei, un autre monde !

Une vraie fourmilière, policée, contrôlée.

Travail, argent et puissance. Fermeture et nationalisme. Je n’arrive pas à communiquer, chinois oblige et j’ai de plus en plus de mal à apprécier la nourriture… Faut dire qu’ils ont vraiment des trucs et des machins bizarres… Poulet ou dessert, impossible de savoir avant de goûter, et j’ai déjà eu de mauvaises surprises. Quoique la plus mauvaise c’était dans un restau chinois végétarien mais à Phnom Penh : rien au monde ne peut être plus mauvais, plus immangeable que l’œuf pourri (les œufs sont enterrés durant je ne sais combien de temps - assez du moins pour que le jaune devienne vert de gris et le blanc d’un brun translucide - et ça se mange tel quel), œuf pourri donc que j’ai goûté sans savoir ce que c’était… Jamais eu un goût de mort comme ça dans la bouche, l’horreur !

Les gens ici à Taipei me paraissent froids, pressés, hostiles même, mais je n’ai qu’à songer aux Parisiens, à l’impression qu’ils me font quand j’arrive du sud... Je suis cette étrangère que l’on n’a pas envie de rencontrer. Tellement que ça commence à me stresser. Une nuit pourtant, je pars à l’aventure et ose le choc des cultures !

Hard Rock café, musique kitsch, très occidental, les Taiwanais ne se lâchent pas facilement sur la piste, bientôt filles et garçons sont autour de moi, ma façon de danser - pas que ça d’ailleurs - les surprend mais ils s’y essayent, je dois être la rare, voire la seule occidentale. Je m’amuse à retrouver de mémoire les gestes des danses cambodgiennes. Je m’amuse surtout d’être là sans repère.

Ils cherchent tous à lier connaissance, à danser avec moi, semblent se lâcher un peu plus sur la musique, ils rigolent de bon cœur et c’est moi qui suis surprise ! Je finis la soirée là, après la fermeture, avec le patron et ses amis, invitée par deux jeunes hommes avec qui j’ai lié connaissance ou plutôt, ce sont eux qui ont lié connaissance avec moi.
Un seul sur les deux parle vraiment anglais.
Nous sommes sept ou huit à discuter vivement, chinois, anglais, je ne sais plus trop… et je me vois offrir vodka sur vodka. Si ma descente les surprend, ils ne le montrent guère. Les Taiwanais sont très polis.

Il y a une seule femme, très jolie, effacée, je l’inquiète un peu peut-être, avec mes discours et mes questions, m’adressant aux hommes avec un aplomb dont elle n’a probablement pas l’habitude… L’un d’entre eux m’explique le plus sérieusement du monde que c’est bien que les femmes puissent êtres libres mais pas la sienne…

Un autre, charmant du reste, veut repartir avec moi, alors qu’il est avec sa femme justement, celle qui est si jolie ! Il fait traduire car il ne parle pas anglais. Cette façon complètement ouverte de faire sa proposition, comme si sa femme n’existait pas, me consterne. Il ne cesse de me sourire et de me répéter qu’il veut me revoir (pas besoin de parler chinois pour comprendre ça !)… J’avais commencé la soirée en disant ce que je pensais des Taiwanais, j’ai continué !

Et j’ai continué à apprendre sur les Taiwanais…

Avec un en particulier, celui avec qui j’ai lié connaissance en tout premier lieu. Il a 24 ans, je ne sais même pas comment il s’appelle, il me l’a dit, mais j’ai oublié… Il travaille, m’a t’il dit, dans plusieurs restaurants, les Taiwanais cumulant les emplois comme nos guignols politiques les mandats. Cette nuit là donc, je ne rentre pas seule et je trouve une corbeille de mariée, pleine de jasmin, déposée devant ma porte.

Erreur ou heureux présage ? Ni l’un, ni l’autre... J’avais besoin de me retrouver ou peut-être de me fuir, mais je suis déçue, c’est trop facile…

Le lendemain, je l’abandonne dans ma chambre, descends au petit déj le temps qu’il s’en aille mais il revient me trouver en bas, ce qui m’ennuie d’ailleurs, me demande les clés de la chambre, il y a oublié quelque chose… et quand je remonte, je trouve une carte d’identité dans mon sac, je l’ai encore ! D’après un Taiwanais avec qui nous travaillons, il faut être fou amoureux pour laisser sa carte d’identité à une inconnue, car c’est compliqué pour la faire refaire. Je n’ai pas cherché à comprendre et je n’ai pas rappelé mon amant malgré qu’il m’ait laissé un numéro pour le joindre.

A Taipei, je franchis pour la première fois le seuil d’un temple bouddhiste, stupéfaite par la beauté insolite des lieux. J’y rencontre un bouddhisme populaire qui joint au recueillement et à la ferveur des préoccupations nettement moins spirituelles.
Ainsi cette femme qui braille en agitant une liasse de billets au nez d’un Bouddha impassible. Bouddha qui fait donc aussi du commerce. Pourtant les temples restent magnifiques, noyés dans les fumées d’encens et la profusion des formes, foisonnement et richesse des détails, des couleurs.

Dragons, phénix, divinités multiples, radieuses et flamboyantes, trop parfois pour un regard occidental, mais je sais que cette profusion recrée au-delà des apparences, l’unité de l’indivisible.

J’ai flâné dans les rues, intriguée, perplexe, émerveillée, dégoûtée aussi, par les cages crasseuses où s’entassent reptiles vivants, et quelques autres animaux, jusqu’aux pauvres concombres des mers coincés dans des aquariums douteux pour avoir le malheur de ressembler à un pénis albinos démesuré.

C’est la fameuse Allée des serpents, le marché de nuit, les quartiers chauds. On vous y concocte un remontant à base d’alcool fort et de sang de serpent, fraîchement fendu de haut en bas devant vos yeux ébahis. On peut choisir son serpent… et non, je ne l’ai pas vu faire, je n’avais pas envie de voir ça !

Bien meilleures, les sources chaudes, située un peu en dehors de la ville. Seule fille du groupe, je me retrouve du côté des femmes. Complètement ailleurs, complètement étrangère. J’ai presque peur de troubler les lieux… Mais très vite je suis séduite par la sérénité qui s’en dégage. Une vieille femme fait du yoga, je reconnais les gestes, les mouvements, j’en suis émue. Je me laisse aller et je rentre dans mon corps aussi.

Yoga, nudité, conjugués aux bienfaits des eaux, un vigoureux massage traditionnel, je remercie Marie (pas la sainte vierge, mon professeur de yoga !) de m’avoir quelque peu préparée à ce genre d’expérience... Je ressors purifiée, pacifiée et sereine.

Photos : Cathy Garcia


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