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Et les rats rient sous cape.

dimanche 13 mars 2005, par Franca Maï

Que savons-nous de la mort ?

Rien. Des bribes d’incertitude et des projections allégoriques gaies ou tristes suivant l’imagination, le lieu, le temps, l’humeur, les croyances ou le néant. La mort est infigurable. Elle nous échappe puisqu’elle court après nous.

Le vrai tombeau des morts, c’est le coeur des vivants
Jean Cocteau

Par contre, le commerce prospère conçu autour de la mort est palpable et possède son mode d’emploi, ses lois et ses coûts.

Et les rats rient sous cape...

Il faut bien comprendre que les rites funéraires ne sont qu’accessoirement destinés aux morts, puisque ceux-ci, ne sont plus de ce monde. La cérémonie est destinée aux vivants, à ceux qui y assistent. C’est la famille ou les proches qui en sont les metteurs en scène, qui décident de son ampleur et de son panache -eu égard à la situation de fortune du défunt ou à leur propre porte-monnaie - et qui en paieront les frais. Pendant ce temps-là, le mort se décompose déjà encerclé par les vers avides qui n’attendent que le signal du festin. Les vivants paradent encore dans la représentation et l’exhibition de leurs appréhensions profondes, accentuant la différence des classes. Pourtant les morts sont tous égaux dans leurs trous de terre ou à l’intérieur des flammes happantes. Les petits tas d’os ont la même finalité quels que soient le marbre railleur, le bois vermoulu ou l’urne éclatante qui les abritent.

En France, l’inhumation - ou la crémation - doit être accomplie dans les six jours ouvrables après un décès (dimanches et jours fériés non compris). Une dérogation peut être accordée par le préfet du département du lieu de l’inhumation ou de la crémation.

Quand on épluche des oignons, il faut en même temps penser à quelqu’un qu’on aime bien et qui est mort, sans quoi ce sont des larmes perdues...
Cavanna

Le certificat de décès :

C’est la première pièce administrative dont on doit se soucier. Si le décès s’est produit à domicile, c’est le médecin appelé pour le constater qui le délivre. S’il est survenu dans un hôpital, une clinique, un établissement de soins ou une maison de retraite, le certificat de décès est établi par le médecin du service.

Certains documents doivent être réunis pour bien préparer les démarches administratives obligatoires après un décès.

Il s’agit de rassembler les pièces relatives :

- aux comptes bancaires (banques, CCP, épargne)

- à l’employeur, l’Assedic , ou l’établissement scolaire

- aux différentes caisses (caisse primaire d’assurance maladie et/ou d’assurance vieillesse, caisses de retraites complémentaires, caisse d’allocations familiales, mutuelle complémentaire de santé - pour le transfert des droits)

- aux assurances (automobile, locative, responsabilité civile…)

- à la succession(notaire)

- aux organismes de crédit

- aux services ou abonnements souscrits (électricité, gaz, eau, téléphone, télévision)

- aux impôts (y compris la carte grise pour transfert).

C’est seulement après toutes ces formalités et ces usages contraignants que l’on vous autorise à pleurer tranquillement les êtres chers. Avant, c’est la course infernale, le tour de manège administratif quelquefois kafkaïen, pour nier la douleur qui rogne vos entrailles.

Et les rats rient sous cape.

Nous faisons de notre vie de la mort d’autrui
Léonard de vinci

Le culte des disparus est un trait révélateur de la mentalité des peuples.

Au Mexique, par exemple, où j’ai vécu une année, il y a quelques lustres, les cimetières m’ont fascinée. Des petites croix en bois de toutes les couleurs se dressaient facétieuses et rendaient les lieux avenants. Toutes ces lucioles attiraient l’oeil, transformant la faucheuse en une danse bariolée. Le jour des morts, les familles préparaient les victuailles préférées du défunt et s’ébrouaient parmi les tombes en parlant de lui au son de la musique et des rires au bord des larmes des enfants. Du coup, on pouvait facilement « voir » le mort revivre en chair et en os, le temps d’un saut dans les souvenirs heureux. Puisque à l’usure du temps qui passe, seuls les bons moments restent épinglés dans la boîte crânienne.

Aux Antilles, toutes les tâches sont réparties entre les voisins, la tradition vou¬lant que la famille en soit exemptée. Les petites mains du coin s’occupent de l’habillement du mort, tandis que d’autres rangent la maison, couvrent les miroirs de draps blancs et parent le lit des plus beaux attributs. Une planche est posée sur le matelas afin de maintenir le corps bien droit. Ceux qui ont peur des morts enjambent la dépouille.

Au Japon, pays des trusts industriels tentaculaires et des dix plus grosses banques du monde, les vivants enterrent leurs morts de façon artisanale. Par décrets, les Japonais doivent pratiquer l’incinération. L’exiguité des terres au Japon imposant évidemment cette obligation. Après l’incinération, au crématorium, les cendres et les os sont mis dans une urne funéraire prévue à cet effet. Après un délai de 49 jours qui suivent le jour du décès et pendant lesquels les intimes peuvent venir se recueillir devant l’urne, celle-ci est enterrée dans un cimetière. La dépense moyenne pour un mort s’établit aux environs de 100 000 francs français. Mourir au Japon est un luxe.

Et les rats rient sous cape...

L’homme est un animal qui a la faculté de penser quelquefois à la mort
Jules Renard

En France, il est possible de son vivant de réserver une place dans un cimetière, en achetant une concession. Vous pouvez ainsi vous amuser à apprivoiser votre trouille du vide, visiter votre future demeure, la caresser du bout des doigts en espérant sa clémence et son hospitalité confortables.

Chaque commune doit avoir, en principe, un cimetière dans lequel peuvent être enterrées les personnes décédées ou domiciliées sur le territoire de la commune (celles qui y détiennent une résidence secondaire peuvent l’être à condition d’obtenir une autorisation du maire) ainsi que les personnes possédant déjà une concession de famille quels que soient leur domicile ou le lieu de leur décès. C’est le maire qui est chargé de la délivrance des concessions.

Un titre de propriété est établi en trois exemplaires : un pour le concessionnaire, un pour le receveur municipal, un pour les archives de la commune.

Une grande variété de concessions :

Les concessions peuvent être temporaires (au maximum quinze ans), trentenaires, cinquantenaires, voire perpétuelles (cas de plus en plus rare). Les communes ne sont pas obligées de proposer toutes les formules.

Les concessions peuvent en outre être individuelles (destinées au seul concessionnaire) ou collectives (destinées aux seules personnes désignées sur l’acte de concession, qu’elles soient ou non de la famille), voire de famille. Il s’agit d’un point important à ne pas négliger, car une concession sans dénomination particulière inscrite sur l’acte est une concession de famille.

Combien coûte une concession funéraire ?

Le prix d’une concession est fixé par le conseil municipal et peut varier, de ce fait, selon la commune et la durée de la concession. Par exemple, le prix d’une concession trentenaire peut varier de 150 euros dans une ville de province (par exemple à Lens) à 1 200 € pour un cimetière de la région parisienne (par exemple à Saint-Ouen ou à Bagneux).

Une concession perpétuelle peut coûter de 1 500 euros en province (par exemple à Lille) et jusqu’à plus de 10 000 euros à Paris (par exemple au cimetière du Montparnasse). Il arrive même que dans certaines villes très peuplées il ne soit plus possible d’acheter une concession de son vivant. En revanche, au décès d’un parent, la famille peut acheter une concession familiale, dans laquelle d’autres personnes pourront être enterrées.

Elle peut être léguée :

Une concession funéraire ne peut jamais être vendue, puisque l’acquéreur n’achète pas un terrain mais un droit temporaire d’usage. Au décès du concessionnaire, elle est transmise à ses héritiers en indivision. Mais le concessionnaire peut la céder gratuitement ou l’échanger contre un autre emplacement. (Source : http://www.dossierfamilial.com)

Et les rats rient sous cape...

Ding, Dang, Dong...

Il y a les petits malins qui vous vendent des cercueils dont on profite de son vivant.

Un croque-mort du Montana a eu l’idée mercantile de construire des cercueils convertibles où il insère des étagères et autres compartiments qui décorent à merveille vos salons. Toujours avec cette idée sous-jacente de s’habituer à sa mort, d’apprendre à l’aimer, de la mater. (sweetearthcaskets.com)

Rejouer la partition de Sarah Bernard pour s’accrocher aux fantômes !

Mais si les vivants assistent le moribond durant ses derniers spasmes et l’accompagnent jusqu’à sa dernière demeure, personne ne lui fait escorte lors de son rendez-vous réel avec la faucheuse. Le pas est solitaire. La nudité glaçante. Un face-à-face redoutable. La vérité.

L’intuition de « l’instant mortel » chez le mourant.

Je nique la mort car lorsque je mourrai, elle mourra avec moi ! ... Présentement, je profite de chaque respiration de la vie -intensément- car je sais que je ne suis pas immortelle.

Et les rats rient sous cape...

1 Message

  • > Et les rats rient sous cape.

    15 mars 2005 14:55, par roland

    La mort nous échappe d’autant plus que nous vivons dans un monde d’immortels. Le culte de la jeunesse est aussi un refus du temps qui passe. La mort est cachée, séparée du monde des vivants par l’écran du monde médical, réduite à une question technique, administrative et donc abstraite. La mort est cachée, et ses indices, comme la vieillesse, sont tabous : double déni de réalité.

    Vouloir préparer ses obsèques et parfois sa mort dans les moindres détails, c’est encore refuser le néant en se donnant l’illusion qu’on continuera à l’habiter.

    Et pourtant...

    pourtant, c’est aussi la mort donne sa saveur à la vie. Comme une lumière crue dessine les contrastes. C’est la rareté du temps qui lui confère sa densité. Dans "tous les hommes ont mortels" de Simonne de Beauvoir, l’infortuné qui a bu la potion d’immortalité finit par osciller entre la dépression et la vie végétative, dépourvue de tout sens. L’immortalité est aussi la pire des damnations.

    Notre monde d’immortels n’est pas heureux et la fuite de la mort est aussi une fuite de la vie. La densité du temps est rendue impalpable par des avalanches de divertissement stériles : plus de trois heures quotidiennes devant le poste de télévision, tourisme prêt à porter...

    Refuser la précarité de la condition humaine, c’est aussi refuser sa grandeur. La valeur inestimable de chaque individu ne réside pas dans un épanouissement individuel béat et croissant, rève de publicitaire, mais dans la confrontation en chacun de l’infini de l’homme avec les dures limites de sa condition.

    L’engagement et le risque cèdent souvent le pas à des valeurs défensives : ne pas souffrir, même psychologiquement, éviter les passions destructrices, et surtout ne pas mourir.

    Le secret de l’immortalité se niche peut être dans les éprouvettes de nos biotechnologistes... Son avènement sonnerait la fin de nos angoisses ... et le glas de l’humanité.


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